Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une grande partie de l’Allemagne occidentale et méridionale. Le 1er janvier de cette année, les sujets de l’abbé de Kempten s’unirent aux bourgeois de la ville et se portèrent en armes au monastère. Tout fut pillé, et l’on commit d’incroyables désordres. L’abbé se vit obligé d’en passer par les conditions que lui imposaient les émeutiers. L’insurrection se propagea rapidement des bords du lac de Constance jusqu’au Rhin et au Weser. Tantôt c’était un soulèvement en masse des gens de la campagne, tantôt les bourgeois et les corporations d’artisans des villes soumises à des seigneurs ecclésiastiques tentaient par la sédition d’arracher une sorte de constitution qui dépouillât ces seigneurs d’une partie de leurs droits ou dépossédât le clergé de toutes ses prérogatives et de toute son autorité. Dans le Hégau et le Kletgau, une mauvaise récolte avait encore accru la misère des campagnards, qui s’armaient pour ne plus payer l’impôt. Au mois de février, les paysans de l’Allgau s’insurgèrent, sous la conduite d’un nommé Dietrich Hurlewagen, contre l’évêque d’Augsbourg, leur seigneur, et appelèrent à la révolte toutes les villages des bords du lac de Constance. Les tavernes étaient remplies de gens qui parlaient hautement contre les abus de la puissance ecclésiastique et seigneuriale. Des conciliabules se tenaient en plein air ou dans les hôtelleries. Les plus hardis forçaient les timides à marcher avec eux. Des bandes armées (Haufen) se montrèrent en différens lieux ; leur nombre alla en grossissant, et l’on y rencontrait de ces lansquenets que l’empereur et la ligue de Souabe avaient jadis enrôlés, et qui, revenus dans leurs foyers après le licenciement, enseignaient aux révoltés à manier le mousquet et à combattre d’une manière régulière. Plusieurs des hommes qui avaient pris part aux précédentes révoltes furent choisis pour chefs. C’étaient eux surtout qui s’étaient chargés de préparer l’insurrection et de réunir les munitions et les armes. Depuis deux années, l’association du Bundschuh se reformait dans le Hégau. Les meneurs, pour échapper aux poursuites de l’autorité, s’étaient transportés sur le territoire suisse en vue d’y organiser à l’abri de la liberté helvétique la ligue redoutable. On y arbora le vieil étendard, mais on ajouta au soulier symbolique, qui fut peint de couleur d’or, l’image d’un soleil dans tout l’éclat de ses rayons et près de laquelle étaient inscrits ces mots : Que celui qui veut être libre suive la clarté de ce soleil[1].

Vers le Bas-Rhin et en Westphalie, le mouvement eut bien plus le caractère d’une insurrection communale que celui d’une jacquerie, mais d’ordinaire les bourgeois et les artisans des villes firent cause commune avec les habitans des campagnes. Dans l’évêché

  1. Wer frei will sein,
    Der folge diesem Sonnenschein.