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foyer de la conjuration. Environ 7,000 hommes et 400 femmes prirent les armes. Leur étendard portait un de ces souliers à quartier élevé et s’attachant sur la jambe au moyen de lanières, qui était la chaussure alors usitée par les vilains, tandis que les chevaliers et les nobles avaient adopté la botte. De là le nom de Bundschuh, c’est-à-dire le soulier, qui fut donné à ce soulèvement de campagnards. Le Bundsckuh offrait le caractère d’une véritable affiliation secrète ; il eut son organisation intérieure, ses signes de ralliement et ses mots de passe, son programme et ses plans de réforme sociale, qui rappelaient lis prétentions de Hans Behaïm : jouissance commune des droits de chasse, de pêche, de forêt et de pâturage, suppression de tous les couvens et de tous les établissemens ecclésiastiques, abolition de toute autorité.

Avant que leurs projets eussent pu recevoir un commencement d’exécution, les conjurés furent dénonces aux magistrats. Ou arrêta les principaux meneurs, qui furent sévèrement punis, et l’ordre sembla rétabli ; mais en des pays voisins l’agitation continuait. Il y eut des troubles à Erfurt en 1509, à Constance en 1511, à Schweinfurt, dans l’évêché de Wurzbourg en 1513. L’un des chefs du Bundschuh dans l’évêché de Spire, Josse Fritz, avait réussi à s’échapper et s’était réfugié dans le Brisgau, sa patrie. L’autorité le perdit de vue, et l’on oublia si complètement son passé qu’il parvint à obtenir une petite magistrature à Lehen, village voisin de Fribourg en Brisgau. Fritz, qui n’était pas désabusé de ses projets révolutionnaires, profita de sa situation pour ressusciter l’association du Bundschuh. Il fit une propagande active dans les campagnes, et parvint à grouper autour de lui un certain nombre de mécontens, qui s’assemblèrent un jour de l’année 1513 près de Lehendans la plaine appelée Hartmatte, et arrêtèrent un programme. Les articles en étaient pour la plupart assez modérés ; on y avait simplement renouvelé les demandes d’abolition des impôts, redevances et servitudes qui pesaient fort lourdement et exclusivement sur le pauvre peuple ; on y réclamait la constitution d’une justice plus équitable. Toutefois on voyait çà et là percer dans certains passages des tendances plus radicales. L’un des articles déclarait que les paysans n’entendaient reconnaître d’autre autorité après Dieu que notre saint-père le pape et sa très gracieuse majesté l’empereur. On s’y inscrivait contre toute espèce de guerre entre états chrétiens, et l’on mettait en avant un projet de paix perpétuelle fondée sur l’alliance des peuples. Quant à ceux qui avaient le goût des armes, ils étaient libres, disait le programme, d’aller combattre contre les Turcs et les infidèles. Les membres de la réunion s’engagèrent par serment à défendre au péril de leur vie