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entre les mains du juge de paix que la présidence du conseil cantonal entre celles du conseiller-général. Aussi malheureuse dans sa direction que dans sa composition, cette assemblée se verrait accorder des pouvoirs qui ont été constamment refusés aux conseils d’arrondissement, dont la valeur élective est bien supérieure cependant puisqu’elle est semblable à celle des conseils-généraux. C’est à la division purement géographique du canton qu’on viendrait attribuer le pouvoir de posséder, d’imposer les communes, de contrôler leur administration intérieure, de s’ingérer dans la tutelle administrative et de se substituer à l’initiative communale ! Autant vaudrait confier à un infirme la défense d’un homme sain et vigoureux. Ce n’est donc pas sous l’empire d’une terreur imaginaire que l’on aperçoit dans la création des conseils cantonaux le danger le plus grave que puisse courir la personnalité communale, c’est-à-dire le fondement même et le principe nécessaire de toute vie publique. Si l’on admet cet axiome indiscutable que la commune et l’état sont les deux termes essentiels de toute société organisée, il faut se préoccuper de leur conserver leur rôle respectif. Si ces deux personnes puissantes représentent une vie réelle affirmée par une volonté indépendante et des intérêts distincts, il faut se garder de les dépouiller au profit de créations abstraites. Énerver la vie communale serait déjà un immense péril ; désarmer l’état et l’amoindrir aurait un résultat aussi funeste. Cependant les mêmes projets de loi conduisent, simultanément à ces deux erreurs fatales. Si en effet il est question de diminuer l’importance des communes en les subordonnant à une assemblée cantonale, il est aussi question d’amoindrir l’état en le privant de la surveillance qu’il exerce sur le patrimoine des communes. Ainsi le colosse de notre administration intérieure, privé de ses appuis naturels, reposerait sur deux bases également fragiles.

On a vu que la constitution de 1791, après avoir merveilleusement élucidé la question des rapports entre la commune et l’état, avait dévié de sa conception première en confiant aux conseils de département la surveillance des affaires communales. La même prétention s’est déjà fait jour à la tribune de l’assemblée nationale lors de la discussion de la loi sur les conseils-généraux, et, bien qu’écartée alors, elle cherche à se produire de nouveau à l’occasion de la loi municipale. L’erreur serait plus grave aujourd’hui qu’en 1791. À cette époque en effet, le département n’était autre chose qu’une fraction de l’état. Des lois successives lui ayant reconnu le droit de posséder et le caractère de personne civile, le département administré par son conseil-général n’a plus aucune qualité pour représenter l’état et agir en son nom. Le préfet seul est