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l’esprit de quelques théoriciens, sans être nullement réclamé par les populations ; cela seul doit déjà nous mettre en garde. On ne saurait trop répéter qu’il n’y a pas d’esprit cantonal, d’intérêt cantonal, de vie cantonale. Le canton est trop petit ou trop grand. Les communes qu’il contient dans sa démarcation géographique ne restreignent pas leur existence en ces limites étroites. Trop resserré pour donner satisfaction à leurs besoins généraux, il est trop vaste pour prendre soin de leur administration intérieure. Sans doute il peut arriver que plusieurs communes aient besoin de se concerter soit pour réaliser des améliorations, soit pour soutenir des créations dont elles profiteront également. Croit-on que ces communautés d’intérêt se modèleraient suivant la configuration du canton ? Est-ce qu’elles ne peuvent pas souvent se produire entre communes de cantons différens ? Dans ce cas, quel serait le rôle du conseil cantonal ? Il deviendrait une entrave et une gêne là où l’on veut créer une simplification et une plus grande facilité d’entente. S’il s’agit donc uniquement de permettre aux communes de grouper leurs intérêts et d’associer leurs efforts, ne suffira-t-il pas de dire qu’en certains cas déterminés les conseils municipaux de la région intéressée auront le droit de se réunir, sans tenir compte des circonscriptions géographiques, pour former une assemblée générale chargée de délibérer sur les intérêts communs ? La question a été résolue d’une manière analogue pour les départemens dans la loi organique sur les conseils-généraux. Il s’agissait aussi de créer des rapports entre ces conseils suivant certaines délimitations qui rappelaient les anciennes provinces. On s’est enfin contenté de permettre aux conseils-généraux de départemens limitrophes de se concerter pour régler les questions qui pourraient les intéresser sans les astreindre à aucune division régionale. Les mêmes motifs doivent faire admettre la même solution pour les conseils municipaux. Si les législateurs entraient dans cette voie et, sans imposer l’unification cantonale, admettaient la formation de certains groupes de communes suivant les intérêts qui les réuniraient, cette création ne saurait vivre à côté des conseils cantonaux qui seraient désormais sans objet. Ainsi une institution répondant à une nécessité réelle détruirait par son existence même l’institution factice du canton, et on serait amené à chercher plus haut, dans une sphère plus large, une assemblée placée assez loin pour être impartiale, assez près pour être vigilante. Cette assemblée ne saurait être que le conseil d’arrondissement.

Ainsi, comme représentant des intérêts généraux d’une association de communes, le conseil cantonal, loin d’offrir des avantages, n’entraînerait que des inconvéniens. Quelle est donc la supériorité qui peut faire préférer les conseils cantonaux aux conseils