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pas accepter le combat que lui offrait la Bellone, navire de plus faible échantillon ; la Hertha et la Médusa refusèrent la provocation de l’escadre française du Japon ; seul le Meteor, aux environs de la Havane, osa se mesurer contre le Bouvet dans un combat sans résultat décisif, mais qui fait le plus grand honneur aux deux capitaines.

Le blocus n’offre aucun épisode guerrier ; il ne représente qu’une suite non interrompue de fatigues et de privations. Stérile sous le rapport du combat, il portera cependant des fruits ; le jour où le pays aura besoin du concours de ses marins, combien ne pourra-t-il pas demander à des hommes dont l’énergie aura été trempée par cette lutte de plusieurs mois contre les plus sérieuses difficultés de la navigation ! Nous avons perdu les chefs de notre première escadre de blocus ; les amiraux Bouët-Willaumez et Dieudonné sont morts. L’énergie de leur, caractère, le sentiment de la responsabilité, une dernière lueur d’espoir, peut-être soutenait leur âme quand le corps s’affaissait peu à peu sous la fatigue et le chagrin. Inconsciens du mal, ils ont lutté jusqu’au bout, trouvant dans leurs devoirs de marin la force nécessaire pour résister ; mais cette croisière. avait tout détruit en eux, et la paix faite, épuisés, ils se sont éteints.

Il nous est indifférent de connaître le nombre d’ailleurs considérable de navires de commerce capturés ; mais nous ne pouvons parler des prises faites sur les Allemands sans rappeler que les instructions données au premier croiseur lancé dans la Manche lui enjoignaient de « remplir sa mission avec courtoisie. » User de courtoisie envers le commerce, ménager les villes ouvertes, tel fut pendant cette guerre le programme du gouvernement à l’égard des populations désarmées. Quelle leçon ce programme ne devait-il pas recevoir, au nom de la civilisation !


J. LAYRLE,
capitaine de vaisseau.