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allemandes couvraient notre sol. Il y a des fautes qu’on ne doit pas chercher à expliquer : l’excuse est dans le caractère de ceux qui les commettent, et qu’aucune leçon ne corrige. Aimons à croire que, si demain la fortune de la guerre nous rendait la victoire, l’humanité n’aurait à rougir ni sur terre ni sur mer. Il nous importe peu de rechercher les noms de ceux qui pourraient diriger ce retour glorieux ; nous pensons que personne en France n’oserait leur conseiller de repousser la plume qui par deux fois dans cette guerre a consacré de notre part l’inviolabilité des villes ouvertes.

Ce qui ressort des mouvemens qu’opère l’escadre allemande aux premiers bruits de guerre, c’est la pensée d’évacuation de la Baltique ; cette pensée est tellement arrêtée que l’Arminius et l’Elisabeth tentent, même après la déclaration des hostilités, ce passage d’une mer à l’autre que le monitor peut seul effectuer. La concentration de la flotte dans la Mer du Nord doit, nous paraît-il, obtenir l’assentiment de tous les marins. Une fois le principe de la lutte maritime repoussé par les Allemands, le but pour eux devenait la préservation de leur matériel, et les passes étroites qui forment les embouchures des fleuves de la Mer du Nord étaient des élémens sérieux de défense qui manquaient au littoral des anciens duchés dans la Baltique. A Kiel, la flotte était moins abritée que dans la Jahde, parce qu’il nous était possible d’entreprendre contre Kiel, en créant un nouveau Kamiesh dans quelque baie de l’île d’Alsen, une opération de longue haleine, tandis que dans la Mer du Nord nous devions recevoir les coups de vent au large ou sous l’abri précaire d’Heligoland, et que, tous les préparatifs d’attaque se faisant en pleine mer, l’emploi des batteries flottantes et des canonnières était souvent paralysé. L’hypothèse du débarquement acceptée, la Baltique, au dire des Allemands, étant le seul théâtre que nous pussions choisir, la flotte, en s’y maintenant, perdait toute possibilité de se soustraire au combat. En dehors des avantages de la position au point de vue défensif, le choix de la Mer du Nord mettait d’ailleurs l’escadre prussienne en mesure d’agir constamment contre nous. Si de grandes opérations militaires s’accomplissaient, sur les rivages de la Baltique, nous avions sur nos flancs un ennemi toujours prêt à attaquer nos transports dans leurs mouvemens d’aller et de retour, ou à s’emparer des bâtimens de commerce nécessaires au ravitaillement de l’armée. Nos forces, en grande partie, se trouvaient donc détournées par la nécessité d’un blocus d’autant plus strict qu’un seul navire échappé des eaux de la Jahde pouvait nous causer des désastres incalculables. Enfin, si toutes nos combinaisons de débarquement échouaient, si la guerre, comme les Allemands le prévoyaient, était portée sur notre territoire, une escadre dans