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valeurs étrangères n’ont absorbé que depuis peu de temps une partie de l’épargne française ; elles ont été d’un grand secours au moment des réalisations forcées ; on vient de les comprendre dans la matière des impôts qu’il faut créer. Les projets du gouvernement et de l’assemblée ont soulevé un moment de vives critiques, auxquelles il a été fait droit en partie. Comment a-t-on concilié les besoins du trésor et les habitudes nouvelles de l’épargne ?


II

Les placemens sur valeurs étrangères n’étaient pas considérables en 1848 ; la Bourse de Paris avait ouvert accès aux rentes belges, napolitaines, espagnoles, piémontaises, hollandaises, autrichiennes, romaines, même au grec-français ; mais d’une part les emprunts de ces divers pays n’avaient pas l’importance que des émissions postérieures leur ont donnée, d’autre part les capitaux français ne les recherchaient guère. Aucune action ou obligation de chemin de fer étranger ne figurait sur la cote : en établissemens de crédit, on n’y voyait que la Banque de Belgique et la Société générale de Bruxelles, en sociétés industrielles que les actions de la Vieille-Montagne en Belgique, le zinc de Stolberg en Prusse et quelques charbonnages belges.

Aujourd’hui la nomenclature des valeurs étrangères cotées à Paris serait autrement longue. L’Autriche, l’Espagne, le Portugal, ont couvert leurs anciens titres d’émissions nouvelles : l’Italie, l’empire ottoman, l’Égypte, la Russie, les États-Unis, nouveau-venus, ont fait avec fracas irruption sur notre marché ; la Hongrie, les principautés danubiennes, le Mexique, le Honduras, Tunis, s’y sont glissés sans bruit. Le Pérou a frappé le dernier à notre porte avec une dette de 1 milliard. S’arrêter à des détails sur tous les fonds d’état étrangers serait peine inutile ; ce qu’il importerait plutôt de savoir, c’est combien nous en avons acheté nous-mêmes. Des calculs intéressans en portent le chiffre nominal à 4 milliards 1/2. Sur le 5 pour 100 italien seulement, l’on assure qu’en 1870 on payait à Paris pour 90 millions de francs de coupons semestriels. Ce ne sont pas seulement les fonds d’état étrangers qui de 1848 à 1870 ont été importés en France ; les cotes du marché officiel et du marché libre étalent dans leurs colonnes une liste bien plus longue d’actions et d’obligations de sociétés de tout genre, mines, lignes ferrées, institutions de crédit, etc., sans compter les emprunts de villes et de provinces. On se rappelle la création de ces grandes compagnies de chemins de fer autrichiens, lombards, espagnols et russes auxquelles nos financiers, nos ingénieurs surtout, ont prêté un si utile et si honorable concours. Quelles sommes ont absorbé à leur tour