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fort beau résultat, que les terres d’Europe emblavées de céréales donnent rarement.

Il n’existe pas, que je sache, d’étude complète sur la « tenure » et la propriété de la terre à Java. Pour s’en faire une idée, il faut réunir les indications éparses dans les rapports officiels et dans l’excellent recueil intitulé Tydschrift voor nederlandsch Indie[1]. Un mémoire communiqué aux chambres hollandaises en 1869 par le département colonial renferme quelques détails sur la constitution agraire des différentes parties de l’île. Dans les provinces de Bantam, Krawang et Preanger, les bois et les terrains vagues sont biens communaux ; mais les champs cultivés sont propriété privée. Celui qui défriche une partie du fonds communal en devient propriétaire. Dans les provinces de Cheribon et de Tagal, la propriété privée existe à côté de la propriété commune. Les sawas jassas ou terres défrichées appartiennent à celui qui les a mises en culture, et elles se transmettent héréditairement aussi longtemps qu’elles continuent à être cultivées. Cependant la propriété commune absorbe peu à peu les propriétés privées, parce que les autorités de la commune ont intérêt à agrandir le domaine communal dont ils font le partage. Ils y trouvent aussi une facilité pour fournir les corvées à l’état. Dans le Samarang, tous les biens sont communs. Il n’y a point de sawas jassas. Celui qui défriche un terrain vague en conserve la jouissance pendant trois ans seulement. Après ce temps, le sawa rentre dans le domaine soumis au partage que le chef ou loerah fait tous les ans. Dans le Japara, on a trouvé, à côté des communautés de village, 8,701 bouws aux mains de 7,454 propriétaires. Les défrichemens qui créent ces petites propriétés sont exécutés par les habitans les plus aisés, souvent associés, qui ont seuls les moyens de faire les travaux d’irrigation indispensables à la culture du riz. Dans le Rembang, sur 158,425 bouws de terres cultivées, on a trouvé 48,185 bouws en propriété privée, dont la moitié était acquise par droit de défrichement, et l’autre moite par héritage ou achat. Dans la plupart des dessas, le partage se fait annuellement. Dans certains villages, il n’a lieu que tous les cinq ans, dans d’autres de temps en temps, quand le nombre des familles augmente. Ceux qui ont des bêtes de trait reçoivent une plus grande part. Dans la province de Bagelen, les habitans des kampongs ou villages sans terres arables peuvent vendre leurs maisons avec le terrain à qui ils veulent ; mais les habitans des dessas ne peuvent vendre les leurs à des

  1. On trouve cependant des indications intéressantes dans l’ouvrage capital de sir Stamford Raffles sur Java, dans le livre de M. Pierson : Het Kultuurstetsel, dans Java, by J.-W. Money, et dans les nombreuses publications de M. van Woudrichem van Vliet sur le régime colonial.