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on disait, selon la rigueur des lois. Il y eut quantité d’arrêtés pris, de poursuites de cette nature exercées soit par les autorités locales, soit surtout par les représentans en mission. Plusieurs de ces arrêtés, prohibant d’un côté, commandant de l’autre, se placent sous l’invocation dérisoire de la liberté des cultes. Aucun n’en donne mieux l’idée que ce règlement inouï d’un représentant en mission, Lequinio, à la date du 1er nivôse an II. Il débute ainsi : « Art. 1er. Afin que la liberté des cultes existe dans toute sa plénitude, il est défendu à qui que ce soit de prêcher ou d’écrire pour favoriser quelque culte ou opinion religieuse que ce puisse être. Celui qui se rendra coupable de ce délit sera arrêté à l’instant, traité comme ennemi de la constitution républicaine, conspirateur contre la liberté française, et livré au tribunal révolutionnaire. » Ce protecteur zélé de la liberté des cultes qui les interdit tous également n’en prescrit pas moins la célébration du décadi, et ordonne expressément qu’un banquet fraternel aura lieu régulièrement dans ce jour consacré, banquet abondant en joie, en fraternité, et terminé par des danses. Célébration innocente du moins ! Il n’en était pas de même de toutes les fêtes qu’ordonnèrent les représentans en mission, et qui restèrent le plus souvent d’ailleurs à l’état de projets. Un commissaire délégué dans l’Aveyron avait pris sur lui d’établir quatre fêtes appelées le Triomphe du pauvre. Le but direct de ces fêtes était d’humilier le riche devant le pauvre, bien que la quatrième eût pour objet, selon les termes de l’arrêté, a de célébrer les prêtres qui ont obéi du vœu de la nature en prenant une compagne. » Dans ces fêtes, tel riche qui avait été mis en prison comme suspect était condamné à payer un riche festin, y faisait asseoir le pauvre, se tenait debout et le servait. « Il ne touchera à aucun mets par lui apporté, continuait l’arrêté, l’ancienne étiquette voulant que le valet ne puisse s’asseoir à la table du maître. »

C’est là que devaient aboutir les fêtes ayant une intention religieuse ou morale. Quant aux fêtes d’un caractère patriotique, le directoire les multipliera, les égaiera parfois d’ornemens que le sombre génie de la convention n’eût pas sans doute admis. Il y replace les attributs mythologiques que les allégories morales avaient un peu détrônées. Les statues de l’Amour, de Vénus, de Psyché, sont placées dans des chars splendides, promenées sur les boulevards, à la fête des Victoires. Il s’y mêlera quelques accessoires émou-vans, empreints d’un caractère vraiment national. Il y eut aussi, jusque vers la fin de 1796, des fêtes morales. La fête de la vieillesse fut célébrée le 28 août 1796 dans les douze municipalités de Paris. Les vieillards, couronnés le matin dans les divers arrondis-semens, se réunirent le soir au Théâtre des Arts. Douze premières loges décorées de guirlandes et de draperies leur avaient été