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aussi à implorer, comme la petite-nièce de Corneille, les secours de la république, qu’elle ne demanda pas non plus en vain. Elle avait vu périr sa famille sous la hache révolutionnaire pour le crime sans doute de porter un nom illustre dans les annales de la religion et des lettres. Son père était tombé victime des scènes qui ensanglantèrent Lyon dans le mois de septembre 92. La convention lui votait un secours que maintenait le conseil des cinq cents. Tous ces faits ne permettent pas de douter que l’idée de récompenser les arts et les lettres, même dans la personne de ceux qui les avaient illustrés sous l’ancien régime, fut loin d’être étrangère à la révolution.

Dans un tel tableau, dont l’impartialité prétend être le principal mérite, nous cherchons à dire le bien et le mal, non pas certes avec indifférence, — il est toujours plus doux de dire le bien quand il s’agit de son pays, — mais avec une entière sincérité. Pourquoi donc ne pas reconnaître avec un sentiment de plaisir et de fierté, au milieu de tant de sujets d’humiliation et de douleur, tout ce qu’il y avait d’heureux fermens de civilisation à côté de la rage des vandales et de la fureur des sectaires ? Tous ces travaux féconds ne se rapportent pas seulement à ce côté élevé et délicat des arts et des lettres qui rentre seul dans l’idée du luxe public. Combien, dans la sphère de l’utile ou de la vérité spéculative, de pensées hautes, neuves, d’institutions, appartiennent à cette époque ! C’est par cette magnifique énumération que se termine l’Histoire de la révolution de M. Louis Blanc, qui paraît y voir comme le vrai résumé intellectuel et moral de la révolution française. Faut-il aller jusque-là ? faut-il répéter avec M. Louis Blanc : « Non, Saint-Just ne disait pas assez lorsqu’il disait : La révolution est une lampe qui brûle au fond d’un tombeau ; il aurait dû dire : La révolution est un grand phare allumé sur des tombeaux. » Ce que l’historien attribue à la révolution n’est-il point pour la plus grande part le produit naturel du mouvement civilisateur ? Sans la convention, sans la révolution, le travail des1 idées, le développement des faits, ne devaient-ils pas produire nombre de ces pensées et de ces établissemens qui ne font après tout que résumer le XVIIIe siècle philosophique et scientifique ?

Et quel choix n’y a-t-il pas à faire dans les décrets de la convention qui se rapportent aux arts utiles et aux arts de luxe ? M. Louis Blanc rappelle ceux qui portent l’empreinte d’une pensée civilisatrice. Ainsi, dit-il, elle décrétait l’ouverture de maisons nationales où tous les enfans seraient nourris, logés et instruits gratuitement. Cette idée de gratuité universelle n’est-elle pas sujette à bien des objections que chacun connaît ? Des écoles primaires devaient être fondées d’un bout à l’autre de la république. Il devait être établi