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morceau de sculpture peut-être sans beaucoup de vigueur, mais d’une conception originale et d’un procédé fort curieux. Ce bas-relief n’est en effet qu’une plaque de marbre gravée ; le fond et les premiers plans ne forment qu’une même surface. Le modelé d’ailleurs, très largement et très discrètement indiqué, est figuré en creux au lieu d’être en saillie. La Danaé est couchée au premier plan dans une gracieuse attitude ; au fond, un Jupiter d’une forme un peu lourde et d’un archaïsme voulu, apparaît dans le ciel au milieu d’un nuage et des rayons lumineux qui environnent son trône. C’est plutôt, comme on le voit, un tableau qu’un bas-relief, et le principal souci de M. Etex semble avoir été de ménager par le creux des contours une ombre aérienne qui donnât de la profondeur à la scène. Il y a réussi, mais il a dû sacrifier à cet effet de perspective la vigueur sculpturale et la masse générale du relief.

M. Barye dédaigne depuis longtemps les expositions publiques. Heureusement M. Mène et M. Isidore Bonheur ne suivent pas son exemple. M. Bonheur expose cette année une Vache romaine d’un beau style et d’un modelé très ferme. M. Mène nous donne aussi deux jolis groupes de vénerie, malheureusement sans beaucoup de style et un peu trop dans le genre des dessus de cheminée. L’Hercule étouffant le lion de Némée, de M. Clère, ferait également un excellent dessus de pendule, et n’en est pas moins une œuvre de style. C’est un petit groupe en marbre gris, qui gagnerait beaucoup à se changer en bronze. Félicitons M. Clère d’avoir su rompre avec la tradition des Hercules brutaux et massifs, plus semblables à des portefaix qu’à des demi-dieux. Le héros, car c’en est bien un, a des formes sveltes et nobles qui rappellent plutôt l’élégante vigueur du gladiateur antique que la bestialité de l’Hercule Farnèse et de tous ses frères. Il se jette à plat ventre sur le dos du lion, qu’il écrase de son poids en l’étreignant de ses jambes et de ses bras nerveux. Le modelé en est très beau, l’attitude excellente, le style sérieux et sans fausse violence. M. Clère est certainement un des lauréats qui méritent le mieux leur récompense.

Décernons, en terminant, une mention honorable à M. Maldiney pour son Jésus-Christ crucifié en bois verni. Cette sculpture n’a rien de bien remarquable, soit au point de vue technique, soit au point de vue de l’art ; mais elle est la seule de son espèce dans toute l’exposition de cette année, et sans penser, comme certains critiques et certains politiques pleins de piété, que le seul moyen de régénérer l’art, comme la société française, soit de le faire rentrer par ordre du gouvernement dans la voie religieuse, il faut savoir gré de leurs bonnes intentions aux artistes qui, comme M. Maldiney, n’abandonnent pas les sujets de piété à des fabricans mercenaires,