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de la cuirasse tout un poème : le texte même de M. Wey est à cet égard peu complet. Je m’arrête dans cette voie de critique, parce qu’il serait évidemment trop facile de signaler, le livre de M. Fiorelli et les publications de l’Institut archéologique de Rome à la main, des lacunes dans l’œuvre dont nous parlons. Ce qui subsiste, c’est, parmi un si grand nombre d’objets à décrire, un choix très habile, très éclairé, et, dans l’exposition d’un sujet vaste et multiple, un droit sens, une humeur vive et alerte, — en même temps une expérience qu’on était en droit d’attendre de l’auteur des Remarques sur la langue française au dix-neuvième siècle. L’érudit se retrouve, dans cette ample description de Rome, aux abondans détails sur les bibliothèques; l’homme de goût, à une série d’appréciations réfléchies sur l’ordonnance des musées, aux peintures de mœurs qui prennent sur le vif le caractère romain.

Le même esprit d’exactitude, de choix raisonné, d’intelligente exécution, a présidé aux nombreuses illustrations de ce livre. Les trois cent cinquante gravures qui viennent à l’appui du texte sont signées par d’éminens artistes. Il y a là jusqu’à vingt-sept dessins, les seuls qu’il ait faits en ce genre, du regrettable Henri Regnault, et quelques-uns peuvent compter au nombre des plus vivantes études sur les mœurs romaines : par exemple son Cortège pontifical à la fête de la Madone avec la mule blanche au riche harnais, comme dans les Stanze', et ses quatre magnifiques scènes du carnaval. La Vue du mont Aventin et de Sainte-Sabine avec le jardin du prieuré à gauche est une planche excellente de M. Hubert Clerget; celle des Cascatelles de Tivoli est fort bien venue. Je nomme celles-là au hasard; mais M. H. Leroux, l’auteur bien connu du Columbarium des affranchis d’Auguste et de tant d’études délicates sur Pompéi, M. Anastasi, M. Français, M. Cél. Nanteuil, Mlle Jaquemart, vingt autres encore des plus distingués, ont fourni leur contingent à cette galerie pittoresque. Nulle description illustrée n’a certainement réuni un si grand nombre d’images intelligentes et fidèles. Dirai-je toutefois que la vue de la Santa Scala ne donne pas une idée suffisamment exacte de la réalité, que la Pastucci, bien connue des artistes à Rome, a une certaine physionomie sauvage qu’on ne retrouve pas ici, que les reproductions de statues enfin ne sont pas toutes également heureuses? Ce qu’il faut signaler avec insistance, à côté du talent des artistes qui ont enrichi ce volume, c’est le remarquable usage que l’on a fait de la photographie. A la condition d’être bien interprétée, — et l’on trouvera dans cette Description de Rome des modèles en ce genre, — on comprend de quel secours elle peut être pour des illustrations consciencieuses. C’est par ce moyen qu’ont pu être reproduites des fresques antiques qui n’étaient saisissables qu’au moment o ù les fouilles savantes des antiquaires les rendaient au jour après des siècles de ténèbres et d’oubli, et que de précieux détails, jusque-là négligés, dans la décoration sculpturale des églises de Rome ou de ses monumens antiques, nous sont comme révélés à nouveau.