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Il faudrait aussi que le chef du pouvoir exécutif lui-même aidât à ce travail par les ménagemens, par les directions, par une intimité habilement entretenue avec l’esprit général de l’assemblée. C’est cette majorité sensée, libérale, appuyant le gouvernement et appuyée par lui, qu’un de nos collaborateurs, député lui-même, M. Émile Beaussire, appelle de ses vœux dans la conclusion d’un livre sur la guerre étrangère et la guerre civile, et il est certain que cette majorité, sans changer le caractère de notre situation, lui donnerait aussitôt une sécurité et une force d’action qui suffiraient aux nécessités les plus impérieuses, les plus immédiates, de notre œuvre nationale.

Une des plus étranges illusions est de croire que ce qui manque de sécurité à la France tient au caractère provisoire du régime actuel. Le provisoire y est pour quelque chose, c’est possible, puisqu’il est vrai que les apparences ne sont pas sans valeur en politique. Ce qui fait surtout que la France est incertaine et inquiète, qu’elle se défie de l’avenir, qu’elle a tant de peine à surmonter ses perplexités, c’est que dans cette vie laborieuse qui nous est infligée il y a des hommes, des partis toujours prêts aux insurrections et aux brutalités de la force, qui ne connaissent que la tyrannie de leurs passions de sectaires, qui ont pour premier dogme le mépris cynique de toute loi, le dédain injurieux de tout ce qui n’est pas leur domination. Les plus effroyables événemens, les plus redoutables périls nationaux ne peuvent ni les éclairer ni les désarmer, ils continuent ; tant qu’ils ne régneront pas ils conspireront, ils ne cachent pas qu’ils n’attendent qu’une occasion de se jeter de nouveau sur cette belle et infortunée société française, à laquelle ils s’attachent comme à leur victime. Le suffrage universel lui-même à leurs yeux n’a de valeur que s’il se fait le servile complice de leurs desseins. Ils sont, malgré eux, instinctivement, la révolte vivante. Vous l’avez vu récemment dans cette malheureuse question du retour de l’assemblée à Paris. Une indication assez vague d’ailleurs est donnée sur les mesures qu’on pourrait prendre pour protéger l’indépendance de la représentation nationale, pour défendre l’enceinte législative contre l’approche des rassemblemens tumultueux. Aussitôt les coryphées du radicalisme, du ton le plus dégagé, se hâtent d’intervenir pour rappeler qu’il y a déjà des lois sur les attroupemens, qu’elles n’ont pas empêché le 4 septembre, que des lois nouvelles n’empêcheront pas les 4 septembre que le peuple, leur peuple à eux, pourra faire encore, et c’est ainsi qu’on promet la sécurité au pays, qu’on se comporte avec les lois, même sous la république !

Chose plus grave, même au sein de l’assemblée il se trouve un député innomé qui insulte quelques-uns de ses collègues jusque dans l’indépendance de leur conscience, qui appelle une commission parlementaire une commission d’assassins, parce qu’elle n’a pas gracié des condamnés. Ainsi maintenant les assassins, ce ne sont plus ceux qui ont fait exé-