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n’est certainement pas la fin des publications politiques en langue bretonne. Tout récemment encore, un des élus du 2 juillet publiait une brochure sous ce titre : «Un mot aux électeurs de ma paroisse » (Eur guer da elektourien va farrez)[1].

Ce penchant instinctif qui pousse le paysan breton à lire ce qui est écrit dans sa langue est un indice et un conseil pour eaux qui veulent travailler sérieusement à instruire et à élever le peuple. Ce n’est point par des articles écrits entre deux chopes dans les journaux de Paris et des grandes villes qu’on préparera la victoire de cette sainte cause; il faut, pour faire œuvre libérale, s’adresser directement au paysan. Comme le disait il y a quelques jours en termes excellens un journal de Bretagne, « observez combien, dans la conversation, le paysan témoigne d’intérêt pour les choses pratiques qui le touchent et qu’il ignore; rappelez-vous, lorsqu’a été soulevée la grande question politique de la réélection, le succès de lecture et de commentaire qu’obtint une brochure de quelques pages qui lui parlait le langage du bon sens. De ces exemples et de bien d’autres, il faut conclure que l’aversion apparente du paysan breton pour la lecture est bien moins sa faute que celle des classes supérieures qui montrent si peu de sollicitude à l’éclairer. Le simple et unique moyen de le faire lire est de lui donner de bons livres. » Aussi est-ce avec une véritable satisfaction que nous signalerons, en terminant cette courte revue des publications bretonnes, un almanach à la fois politique et littéraire qui paraît en ce moment sous le titre d’Almanach de Basse-Bretagne, fait pour les gens de la campagne, pour l’année 1872[2]. Cet almanach, rédigé par des amis de la Bretagne et de la littérature bretonne, a pour but de fournir aux paysans une lecture à la fois agréable et instructive. C’est ainsi qu’à côté d’une biographie de M. Thiers il donne un article sur la manière de préparer le beurre (article qui a pour auteur un agriculteur distingué de Bretagne, membre de l’assemblée nationale, M. Th. de Pompery); c’est ainsi qu’une notice sur l’Alsace et la Lorraine côtoie un article sur l’histoire de la langue bretonne. Nous souhaitons à cette œuvre patriotique le succès qu’elle mérite.

Nous ne pouvons penser à l’état d’ignorance où est encore plongée notre province de Bretagne sans que notre esprit se reporte vers un autre petit peuple, frère du peuple breton par le sang et par la langue. Les Gallois sont de même race que nos Bretons de France,

  1. Une brochure in-8o, Brest, Gadreau.
  2. Almanac Dreiz-Izel, gret evit am dud diwar ar tneas, evit ar bloaz 1872. Brest, Gadreau; Paris, Franck.