Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/925

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non pas sans doute absolument satisfaisante, mais approximative, cette sorte de difficultés.

M. le rapporteur du budget a dû faire sa place au grand argument qu’on invoque pour mettre l’impôt sur les revenus mobiliers de préférence. On voudrait par là rétablir un certain équilibre entre les charges foncières et les charges mobilières. L’argument n’est pas nouveau, et, quoiqu’il ait sa part de vérité, il est permis de dire qu’on en a fort abusé. On a supposé d’une part la propriété immobilière plus surchargée qu’elle ne l’est dans la majorité des cas, et on a trop oublié, d’un autre côté, les charges. réelles et multiples de la richesse mobilière. M. Casimir Perier a eu raison de rappeler que les compagnies et les sociétés, les industries, le commerce, le capital, sous toutes les formes, acquittent l’impôt foncier, la contribution mobilière, les patentes, et prennent une large part dans les taxes indirectes. La contribution mobilière, récemment accrue dans une proportion considérable, va peser lourdement sur cette forme de la richesse. Faut-il donc, en raison de certains jugemens trop exclusifs, ne pas reconnaître que la propriété mobilière a pris des développemens qui justifient en partie ce qu’on dit de l’écart existant au point de vue de l’impôt entre les deux formes de la richesse ? Il n’est pas possible surtout d’oublier la facilité avec laquelle certaines fortunes échappent à leur part proportionnelle des charges publiques. Le projet de loi cesse d’exempter les dividendes et les intérêts de grandes compagnies, lesquels ne contribuent pas directement aux charges publiques ; il persiste à exempter la rente. Les inconvéniens souvent rappelés qu’on trouve à imposer la rente et la raison de droit qu’on allègue en mettant en avant les engagemens de l’état ont, nous le reconnaissons, une grande force ou du moins un haut degré de vraisemblance. On pourrait pourtant douter que ces motifs, qui semblent si puissans lorsqu’on les isole d’autres considérations accessoires ou supérieures, aient une autorité décisive. Des gouvernemens très habiles en affaires, et non moins éveillés assurément sur le sentiment du droit et sur les devoirs que leur imposent les engagemens pris, ne se sont pas arrêtés à ces raisons, si souvent présentées chez nous comme irréfutables. Ces gouvernemens ont pensé sans doute que tout impôt direct diminue le capital en diminuant le revenu net, et qu’il n’y a pas lieu de faire de ce motif un titre exceptionnel d’exemption pour la rente non plus que pour les autres valeurs cotées à la Bourse. Ils ont cru que l’état, comme le dit M. Casimir Perier lui-même, n’a pas aliéné le droit « d’imposer des charges à tous ses enfans, de leur demander leur part proportionnelle de sacrifices à faire sur leur fortune dans un intérêt public, quelque emploi qu’ils aient fait de cette fortune. » S’il en est de la sorte, si c’est d’après cette vue qu’ont agi