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de taxes déjà existantes si l’income-tax frappe aussi sur les revenu immobiliers, et si le foncier paie comme le mobilier, depuis l’acte de 1798, proposé par Pitt, jusqu’à cet autre célèbre de 1842, qui, par les mains de sir Robert Peel, a rétabli cet impôt.

Une dernière prévention, c’est que les Anglais et les Allemands peuvent s’accommoder de l’impôt sur le revenu, parce que ce sont de très honnêtes gens, et que nous no pouvons pas nous en accommoder, parce que nous serions un peuple difficile à qualifier en termes convenables. Est-il donc vrai, et sommes-nous si bas, tandis que nos voisins seraient si haut? On a peine à le croire. Quelle incorrigible manie nous pousse à nous calomnier sans cesse et à mettre les autres nations sur un piédestal? Même un certain degré trop réel d’infériorité à cet égard, tenant à la légèreté du caractère national, n’équivaudrait pas à ce brevet d’incapacité que nous nous décernons avec trop peu de dignité. Des dissimulations, n’y en a-t-il pas chez les Anglais? Un économiste de cette nation, beaucoup moins portée que. la nôtre à se dire des duretés à elle-même, M. Mac-Culloch, affirme que, malgré les investigations des agens du trésor et la modération de la taxe, la dissimulation et l’évasion sont largement pratiquées. M. John Stuart Mill de même, faisant allusion à ce qui se passe sous ses yeux, dit qu’un tel impôt est d’autant plus lourd qu’il pèse davantage sur les contribuables consciencieux. Tout le monde ne le serait donc pas, même en Angleterre? Et, ce qui est fort étonnant sans doute, les Allemands eux-mêmes, si scrupuleux, nous le savons, ne se feraient pas toujours faute de ces dissimulations et de ces fraudes. Bien plus, le mal aurait pris en Prusse des proportions si étendues qu’il était question, il y a quelque temps, d’obliger le contribuable à déclarer le chiffre de ses revenus sur la foi du serment, et de publier la liste des imposables et de leurs déclarations. Si regrettable qu’il puisse paraître de voir s’en aller une illusion de plus sur cette parfaite et naïve honnêteté germanique, n’y a-t-il pas là une sorte de consolation pour nos races néo-latines? Notre conviction est que cet impôt ne s’acquittera guère plus mal ici qu’ailleurs, et qu’on s’apercevra qu’il y a moins loin qu’on ne le dit entre la loyauté des bourgeois de Paris et celle des bourgeois de Londres ou de Berlin.

Les fins de non-recevoir opposées à l’impôt sur les revenus mobiliers ne sont pas acceptables. Sous l’empire de nécessités pressantes, la France est tenue d’arriver où en sont venues d’autres nations plus tôt ou plus tard, la Grande-Bretagne, la confédération du Nord, l’Autriche, les États-Unis, — n’oublions pas l’Italie, où cet impôt fonctionne en ce moment. Tout ce que nous prétendons, nos paroles dussent-elles trouver aujourd’hui trop peu d’écho, c’est que, si la France doit entrer dans cette voie à son tour, il est infiniment dési-