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si on tient compte de l’économie des frais de perception. Nous répondrons d’ailleurs que la répartition se fera mieux, d’une façon moins pénible pour les classes ouvrières et rurales, plus proportionnelle en même temps que plus humaine; nous répondrons que l’équité n’est pas indifférente, même à charge égale, et que, de nos jours surtout, la justice est un élément moral dont les législateurs ne sauraient faire bon marché, quand bien même les avantages matériels ne frapperaient pas d’abord tous les yeux; nous répondrons qu’il faut que les masses sentent partout la présence de ce principe moral, car à ce prix elles peuvent supporter des fardeaux même assez lourds, tandis qu’autrement elles sont prêtes à se révolter contre des charges moindres, dont le principe leur est suspect. Si altérés que soient le bon sens et le sens moral, c’est toujours une grande force que de mettre de son côté la raison et la justice. Plus il en passera dans l’organisation de l’impôt, trop défectueuse encore sur plus d’un point qu’il est possible d’améliorer, plus il faudra se réjouir. Trop de traces de l’ancienne confusion s’y font remarquer; c’est à les effacer qu’il faut tendre.

Une source à laquelle il semble possible de puiser avec plus d’abondance, c’est l’enregistrement. Non certes qu’il faille accroître cet impôt, que nos nécessités financières viennent de surcharger encore, il ne s’agit pas de surtaxe; il s’agit seulement de faire en sorte que cet impôt soit légalement acquitté. Or il s’en faut qu’il en soit ainsi, quoique le produit de ce droit, d’ailleurs considérable, dépasse 320 millions, chiffre qui s’explique par l’accroissement du nombre des transactions, et plus encore par l’augmentation de la valeur des biens. On trouve là comme un miroir fidèle et un témoignage éloquent de la rapidité de cette augmentation, si l’on se reporte au chiffre de 1816, qui n’était encore que de 105,594,089 francs. Pourtant cet impôt est loin de rendre ce qu’il devrait donner, si on s’en acquittait fidèlement. La substitution des actes sous seing privé aux actes authentiques et la dissimulation des prix de vente, tels sont les deux obstacles qui s’y opposent trop efficacement. Faut-il croire que tout soit là sans remède? La législation s’en est occupée à plusieurs reprises dans ces dernières années mêmes; elle s’est arrêtée en route. Les moyens de rendre obligatoire l’enregistrement des actes sous seing privé dans un délai donné ne paraissent pas manquer, et il en a été proposé plusieurs; il ne devrait pas être permis de se soustraire à une obligation, à laquelle on ne peut manquer sans que le déficit qui en résulte pour l’état ne se solde par centaines de millions et ne se reporte sur d’autres impôts qu’on se voit contraint d’exagérer.

C’est encore un obstacle à une taxe mise équitablement sur le