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atteinte ou près de l’être pour la plupart des autres impôts, se sont tournés vers celui-là. On s’est dit, je parle de ceux qui s’étaient montrés froids ou hostiles, que cela était peut-être après tout moins mauvais que cela n’en avait l’air au premier abord. Nous imaginons que telle a été la disposition de la plupart des membres eux-mêmes de la majorité de la commission du budget, qui vient de proposer le nouvel impôt. Il est aisé de voir que son œuvre ne relève d’aucun parti pris d’avance, d’aucune idée préconçue, et que c’est un peu à leur corps défendant que plusieurs membres de la majorité se sont résignés à une taxe qu’ils présentent au public sous le nom moins systématique et plus adouci, ont-ils pensé, d’impôt sur les revenus ; le pluriel est réputé ici atténuer l’idée au lieu de l’exagérer, interprétation qui n’est peut-être ni grammaticalement ni économiquement bien rigoureuse. Pourquoi ne pas penser qu’il en sera de même de l’assemblée? Il faut dire des impôts ce qu’on a dit des livres : habent sua fata. Le moment d’une taxe qu’on a longtemps voulu éviter nous paraît venu, de quelque nom qu’on la baptise. La rejetât-on demain, elle reparaîtrait le jour d’après à l’horizon. La seule question que nous nous posions, quant à nous, est celle-ci : « Va-t-on purement et simplement nous doter d’un impôt de plus? N’y mêlera-t-on aucune de ces compensations et améliorations dont nous parlions, et que réclament d’excellens esprits qui ne sont ni des révolutionnaires ni des utopistes? » S’il en était ainsi, « l’aurore » annoncée n’aurait rien de bien éblouissant. Ce n’a jamais été un trait de lumière fort merveilleux que de dire aux gens : « Vous qui payez une fois déjà, payez une seconde fois encore. »

C’est une très bonne base de raisonnement que le rapport de M. Casimir Perier, tout y est clair, motivé; il dit ce qu’il ne veut pas comme ce qu’il veut : tout y est énoncé simplement dans cette excellente langue financière qui ne court ni les journaux ni même les chambres législatives. Du reste les modèles ne manquent pas dans notre histoire parlementaire. Sans parler des autres gouvernemens, la restauration nous en a laissé d’accomplis; l’habile rapporteur n’avait pas à chercher bien loin pour s’en inspirer. On n’a en quelque sorte qu’à suivre ce rapport pour marquer soit les points où l’approbation est sans mélange, soit ceux qui donnent lieu à réserves ou à dissentimens.

Que n’a-t-on pas dit, que ne dit pas, au début de son rapport, M. Casimir Perier, avec l’autorité qui lui appartient, sur l’étendue de nos pertes et sur les lacunes budgétaires que nous avons à combler ! Et pourtant en vérité on en est à se demander si nous en avons un sentiment assez complet. On dirait que la blessure n’a pas encore eu assez le temps de se faire sentir dans tout ce qu’elle a de grave et