Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/905

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus d’un point, particulièrement en rejetant l’assiette par répartition et en adoptant le principe de quotité. Le projet présenté par un autre ministre des finances, M. Hippolyte Passy, au mois d’août 1849, reposait sur des bases plus larges et mieux conçues que le projet ministériel de 1848. C’était l’œuvre d’un savant économiste et d’un habile financier. On pouvait en critiquer certaines parties, mais peut-être n’était-ce pas pour celles-là surtout que le projet devait être écarté, si modéré que fût le taux fixé à 1 pour 100. Rien dans l’état des esprits ne préparait un examen impartial et une discussion calme. On s’étonne aujourd’hui, lorsqu’on se reporte aux débats qui eurent lieu alors et même aux travaux d’économistes distingués, de ce qui se mêlait d’exagération et d’appréciations erronées à des argumens plus sérieux, mais qui se bornaient à mettre en lumière les difficultés réelles et les désagrémens de ce genre de taxes. Le temps marcha cependant. Économistes et financiers continuèrent à se partager, bien qu’avec beaucoup moins de passion et de bruit, sur l’impôt du revenu, lequel, à vrai dire, comptait moins de partisans que d’adversaires. En tête des partisans se plaçaient deux économistes éminens, qui se firent comme les représentans de cette idée, nullement sectaires et fanatiques d’ailleurs, et attendant du temps avec un calme tout scientifique qu’elle se réalisât, sans se dissimuler aucun des côtés attaquables. Telle a été l’attitude prise et gardée depuis bien des années par MM. Hippolyte Passy et de Parieu. M. de Parieu, dans un livre spécial, neuf de savoir comme d’aperçus, se faisait l’historien encore plus que le panégyriste des impôts généraux sur la propriété et le revenu en Europe ; il ne nous laissait ignorer aucun des plus minutieux détails de leur organisation compliquée et savante. Aujourd’hui le même économiste reparaît dans l’arène avec une lettre adressée à l’assemblée nationale; l’urgente nécessité et la légitimité de l’impôt sur le revenu y sont soutenues avec force, avec le même fonds d’idées et d’expérience, quoique peut-être avec un accent plus vif et plus paternel. Bien que n’étant point partisan du projet de loi actuel sans amendement, il y salue « l’aurore sinon le plein jour de l’équité nouvelle. » Pourquoi faut-il que cette aurore, trop peu lumineuse selon nous, se lève dans un ciel si chargé de nuages?

En preuve du chemin qu’a déjà fait l’idée de l’impôt sur le revenu, il suffit de voir ce qui s’est passé dans ces derniers temps. L’opinion publique, d’abord effarouchée par ce mot, a senti se calmer un peu ses répugnances, et il s’est même établi un véritable courant en faveur de la nouvelle taxe. Les moins bien disposés, à force de regarder à droite et à gauche, et de voir que la limite était