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aux Américains : leur zèle sans cesse croissant et leur libéralité sans limite pour l’enseignement, leur principe politique que le premier devoir et le premier intérêt de l’état sont de répandre l’instruction dans tous les rangs de la société, les efforts qu’ils font pour élever aussi haut que possible l’enseignement des filles, le soin qu’ils prennent de combiner avec les études scientifiques les études morales et littéraires, les exercices du corps et même le travail rétribué Rien ne s’oppose à ce qu’en tout ceci nous suivions l’exemple des États-Unis ; mais nous ne pouvons imiter leur organisation scolaire. En Europe, des prescriptions rigoureuses et une intervention active du pouvoir central sont nécessaires. En Amérique, les contribuables des communes, prélevant eux-mêmes sur leurs propriétés un impôt direct, dépensent pour l’école bien plus que la loi n’exige d’eux. En Europe, presque partout les communes rurales, livrées à elles-mêmes, supprimeraient l’instituteur ou ne lui donneraient pas de quoi subsister. Appliquez la décentralisation, mais point en fait d’enseignement. Plus les populations sont ignorantes, moins elles auront le goût de s’instruire ; c’est donc d’en haut que doit venir l’impulsion. C’est par l’instruction qu’un peuple devient capable de self-government ; donnez-lui d’abord le self-government, et il restera attardé dans sa native barbarie.

En Amérique, on peut se fier aux efforts spontanés des communes pour répandre l’instruction, parce que dans la société tout en fait sentir le besoin, et tout en favorise la diffusion. D’abord n’oublions pas que la Nouvelle-Angleterre a eu pour fondateurs des hommes qui, comprenant la nécessité des lumières, ont dès 1642 proclamé l’enseignement gratuit et obligatoire. L’esprit des puritains s’est perpétué chez leurs descendans. Aux États-Unis, les ministres des différentes sectes protestantes soutiennent l’école publique, quoiqu’il soit interdit d’y enseigner aucun dogme. Les prêtres catholiques l’attaquent, il est vrai ; mais, comme ils sont encore relativement peu nombreux, on peut dire que le sentiment religieux est l’allié de l’état dans l’œuvre de l’éducation, avantage incalculable. Les écoles fondées par des libéralités privées sont ouvertes généralement aux élèves de toutes les dénominations, quoique les hommes généreux qui les créent soient presque tous profondément religieux, et ainsi la diversité des croyances dogmatiques ne fait pas obstacle aux progrès de l’instruction. Dans toute l’Europe catholique au contraire, l’état et l’église se disputent l’école dans une lutte acharnée et funeste. L’état ne peut pas abandonner l’école a l’église, parce que celle-ci vient de transformer en article de loi, avec toute l’autorité de son chef infaillible, la condamnation des libertés modernes. D’un autre côté l’église, au nom de sa mission