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nombre des écoles publiques s’élevait à 3,903, le personnel enseignant à 4,614 le nombre des enfans inscrits à 200,000, et la dépense à 300,000 dollars ou 1,500,000 fr., soit 1 fr. 30 cent, par habitant.

Les Américains sont persuadés que, si dans les états du sud les lumières avaient été aussi répandues que dans ceux du nord, la sécession n’aurait pas eu lieu. Leur but actuel est donc de faire pénétrer l’instruction dans toutes les classes, afin que tous les citoyens apprécient les avantages qui résultent de l’union fédérale et deviennent assez sages pour éviter ce qui peut la briser. C’est en fortifiant le sentiment national par l’école qu’ils espèrent résoudre ce problème, jadis considéré comme insoluble par tous les politiques, de faire subsister une immense république, ayant pour territoire tout un continent et appelée un jour à compter ses habitans par centaines de millions. La presse et l’école, en répandant partout des idées semblables et en inculquant dans toutes les âmes un amour ardent, mêlé d’orgueil national, pour la commune patrie, peuvent en effet créer entre les états autonomes, mais associés, un lien assez fort pour résister aux divergences des partis et des intérêts locaux. C’est une grandiose et décisive expérience qui se poursuit en Amérique. Si elle réussit, on peut ne point désespérer de l’union future des peuples européens.

En 1791, la gratuité de l’enseignement primaire avait été décrétée en France sur un rapport de Talleyrand, qui justifiait parfaitement cette mesure. « La société, disait-il, doit d’abord payer ce qui est nécessaire pour se défendre et se gouverner, puisque, avant tout, elle doit pourvoir à sa propre existence. Elle ne doit pas moins payer ce qui est nécessaire pour assurer à chacun sa liberté et sa propriété, pour écarter des associés une foule de maux auxquels ils seraient sans cesse exposés hors de l’état de société, enfin pour les faire jouir des biens publics qui doivent naître d’une bonne association, car voilà les trois fins pour lesquelles la société s’est formée, et, comme il est évident que l’instruction a toujours tenu un des premiers rangs parmi ces biens, il faut conclure que la société doit aussi payer tout ce qui est nécessaire pour que l’instruction parvienne à chacun de ses membres. » La question se réduit à ceci : dans une société démocratique et dans un pays de suffrage universel, est-il absolument nécessaire à la garantie de l’ordre social et à la conservation des institutions libres que tous les citoyens soient au moins assez éclairés pour en comprendre les avantages et pour remplir leurs devoirs civiques; en d’autres termes, faut-il combattre l’ennemi intérieur, l’ignorance et le vice, avec non moins d’énergie que les ennemis du dehors? Si on répond