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homme qui aurait fait preuve de connaissances spéciales, de dévoùment, et de capacités administratives, que pendant vingt ans on accorde à cet homme l’argent jugé nécessaire, et songez à l’immense progrès qui serait accompli. Si de 1830 à 1848 on avait maintenu à la direction-générale de l’enseignement M. Cousin ou M. Guizot, avec de pleins pouvoirs, beaucoup d’argent et une responsabilité absolue, la nation française eût été instruite; elle n’aurait subi ni la démoralisante sujétion du régime impérial, ni les désastres qui en ont été la suite.

En Amérique, le congrès, ne pouvant faire des lois concernant l’enseignement, demande seulement que le surintendant lui présente chaque année un rapport sur la situation de l’instruction dans les différens états et sur les moyens de l’améliorer et de la répandre. Ce rapport forme un magnifique volume, contenant des plans et des vues des écoles les plus importantes, des statistiques, des données de toute nature concernant l’enseignement. Ce volume est tiré à 3,000 exemplaires, qui sont distribués à tous ceux dont le concours peut être utile au progrès de l’instruction. Autre trait du système administratif américain : comme l’opinion publique est Is grand ressort et le pouvoir suprême, rien n’est négligé pour la former et l’éclairer. La publicité est le grand moyen de gouvernement.

La première chose que M. Barnard fait dans le premier rapport qu’il a publié, c’est de prouver que l’état doit intervenir dans l’enseignement, parce que son avenir en dépend. « Malgré, dit-il, les efforts combinés des pouvoirs publics, des différentes communions, des parens et des bienfaiteurs de l’éducation, le problème qui consiste à assurer un enseignement élémentaire auquel tous prennent part est encore loin d’être résolu dans ce pays. »

Tous les hommes éminens qui ont dirigé les affaires en Amérique ont vu et proclamé que le salut de la république dépendait de la diffusion de l’instruction dans tous les rangs de la société. Écoutons Washington sur ce point. « Dans tout pays, l’instruction est le fondement le plus sûr du bonheur public; mais chez un peuple où les mesures adoptées par le gouvernement dépendent autant qu’aux États-Unis des idées dominantes, l’instruction est indispensable. Elle contribue à garantir une constitution libre de plusieurs façons : d’une part en donnant à ceux qui gouvernent la conviction que le but du gouvernement ne peut être mieux atteint que par la confiance éclairée du peuple, et en apprenant d’autre part au peuple à discerner et à estimer ses droits, à distinguer entre l’oppression et l’exercice d’une autorité légitime, entre les charges iniques et celles qu’exige le maintien de l’état social, à ne point confondre la liberté