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doit arriver au résultat par la suppression des privilèges et des monopoles, par la gratuité du crédit et par l’organisation du travail, vieux mots que semble rajeunir la formule nouvelle de l’universalité. Les parties du monde, les nationalités, les sentimens, les intérêts, tout est ainsi noyé dans le déluge universel !

La commune de Paris n’a pas eu le temps d’appliquer sa doctrine. Plus d’une fois elle a porté atteinte au principe de la propriété : elle a décrété la confiscation des biens appartenant aux corporations religieuses, elle a ordonné la destruction de l’hôtel de M. Thiers, elle a aidé très ouvertement les locataires qui déménageaient sans payer leur loyer; mais ce n’étaient là que des mesures spéciales, dictées par le sentiment de vengeance politique ou par les exigences d’une situation exceptionnelle. Il ne lui est pas resté de loisirs pour combiner un système pratique au sujet de la propriété. Il n’est pas téméraire de dire que sur ce point sa politique « expérimentale, positive, scientifique, » aurait complètement échoué. Quant à la doctrine en elle-même, il est inutile de démontrer que l’universalisation de la propriété n’est qu’un euphémisme qui équivaut à la destruction de la propriété telle que l’ont établie et conservée les lois de tous les pays civilisés. Si la commune a été empêchée d’agir, on peut se faire une idée de ses intentions en relisant les discours que ses précurseurs prononçaient avant 1870 dans les réunions publiques, où la propriété et les propriétaires ont reçu plus de trois avertissemens.

Il est probable que la commune n’aurait pas pu réaliser le crédit gratuit, vieille réminiscence de 1848, et cette lacune est peu importante, car, pendant les deux mois de guerre civile, le crédit lui-même n’existait plus; toutefois l’organisation du travail a reçu un commencement d’exécution. Un certain nombre de patrons ayant quitté leurs usines et Paris, où la sécurité et le travail leur faisaient défaut, la commune rendit, le 16 avril, un décret par lequel les chambres syndicales ouvrières étaient convoquées « à l’effet de constituer une commission d’enquête chargée : 1° de dresser une statistique et un inventaire des ateliers abandonnés; 2° de présenter un rapport établissant les conditions pratiques de la prompte mise en exploitation de ces ateliers, non plus par les déserteurs qui les ont abandonnés, mais par l’association coopérative des ouvriers qui étaient employés; 3° d’élaborer un projet de constitution de ces associations coopératives ouvrières; h° de constituer un jury arbitral qui devra statuer, au retour des patrons, sur les conditions de la cession définitive des ateliers aux sociétés ouvrières et sur la quotité de l’indemnité qu’auront à payer les sociétés aux patrons. » Il convient de rendre cette justice à la commune, qu’elle enten-