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à remplir par égard pour d’antiques préjugés. Parmi les pièces d’un procès plaidé à Versailles, s’est trouvée une lettre intime, dans laquelle l’un de ces officiers de l’état civil plaisantait fort agréablement sur son intervention dans les cérémonies nuptiales. Par un décret du 10 avril, la commune décida que des pensions seraient allouées aux veuves et aux enfans, a reconnus ou non, » des citoyens morts à son service. D’après l’interprétation qui fut donnée à ce décret, demeuré sans exécution faute de fonds, les veuves n’avaient pas besoin d’être plus légitimes que les enfans. Les garanties du mariage et les conditions de la paternité étaient également indifférentes. Ce n’était pas une mesure de commisération ou de politique, c’était la doctrine sociale. L’un des principaux personnages de l’insurrection n’avait-il pas proclamé dans une réunion publique, peu de temps avant la chute de l’empire, que « le concubinage est le seul mariage de l’homme d’honneur? » Nous avons vu tout à l’heure la suppression de la patrie, voici la suppression de la famille. Les décrets sont là!

Quant à la religion, la suppression n’est pas moins complète. La doctrine de la commune est de n’en avoir pas. La commune ne reconnaît que la liberté de conscience, et, au nom de cette liberté, elle fait la guerre aux prêtres, aux frères de la doctrine chrétienne et aux sœurs de charité. Le 11 mai, la délégation à l’enseignement apprend « qu’il reste encore dans beaucoup d’écoles, sous forme de crucifix, madones et autres symboles, le souvenu-de l’enseignement religieux. » Elle ordonne aux instituteurs et aux institutrices de « faire disparaître ces objets, dont la présence offense la liberté de conscience. » Il est inutile de rappeler que l’un des premiers actes de la commune fut de prononcer par décret la séparation de l’église et de l’état, la suppression du budget des cultes et la confiscation des biens, meubles et immeubles, appartenant aux corporations religieuses. A toute occasion éclate la haine de la religion, la haine du prêtre. C’est peut-être le caractère, le plus saillant de la révolution du 18 mars.

Si la commune s’était bornée à vouloir la séparation de l’église et de l’état, ainsi que la suppression du budget des cultes, elle se serait tenue dans les limites d’une opinion qui n’est point celle de la majorité en France, mais qui est adoptée dans d’autres pays et que soutient, parmi nous, le parti républicain. Ce qu’elle a voulu avec obstination, avec une sorte de rage, c’est l’abolition de la religion et particulièrement du catholicisme. D’où vient cette doctrine de la négation religieuse? pourquoi cette proscription absolue du prêtre? Est-ce seulement, comme il est dit dans les considérans du décret du 2 avril, parce que « le clergé a été le complice des crimes de la