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ter leurs impôts, contracter des emprunts, dans les proportions et aux conditions fixées par les lois générales. Elles usent de cette faculté. Le gouvernement ou les préfets y mettent-ils obstacle? A l’exception du régime électif ou du concours pour le choix de tous les fonctionnaires, on peut dire que le système recommandé par M. Mazzini, système à la fois libéral et national, est appliqué en France. Théoriquement et aux termes des lois en vigueur, la commune française possède à peu près et depuis longtemps l’indépendance administrative. Cette assertion est peut-être contraire aux idées reçues; mais, en y regardant de plus près et sans parti-pris, l’on reconnaîtra qu’elle est exacte. Si les réformateurs étaient appelés à rédiger un nouveau code de la commune, ils seraient fort étonnés de n’avoir à reproduire le plus souvent que ce qui est. Que l’on accuse la mauvaise influence d’un régime politique ou la conduite de certains fonctionnaires, c’est une autre question. Quant à l’organisation, à l’institution de la commune, elle résiste aux critiques que le parti libéral a trop facilement dirigées contre elle, et que le parti révolutionnaire a très habilement exploitées.

Les comparaisons que l’on se plaît à établir entre la commune française et la commune anglaise, belge, etc., ne sont pas plus exactes. On ne tient pas compte des conditions topographiques et sociales des différens pays. En Angleterre et en Belgique, le chiffre moyen de la population par commune est plus élevé qu’en France, ce qui fait que chaque groupe peut en général se suffire à lui-même. C’est la première condition de l’indépendance et de l’autonomie. De même qu’un particulier, la commune ne peut être réellement indépendante que si elle possède en propre les ressources nécessaires, et elle ne saurait aspirer à se gouverner elle-même selon la formule autonome, si elle avait besoin de subsides étrangers. Or cette indépendance dont jouissent les paroisses anglaises avec leur population assez nombreuse et avec leurs impôts très lourds, la plupart des communes françaises ne la possèdent pas. Il y a des départemens qui ne peuvent équilibrer leurs budgets sans le secours de l’état; à plus forte raison, il existe beaucoup de communes qui seraient absolument incapables d’entretenir leurs établissemens publics et leurs routes, si l’on ne venait pas à leur aide. Dira-t-on qu’il faut, pour remédier à cette insuffisance de revenus, procéder à une meilleure division du territoire, constituer, par la réunion de plusieurs communes, des centres de population qui, avec l’économie des frais généraux, obtiendraient directement plus de ressources et seraient en mesure de vivre de leur vie propre? Cette proposition ne serait réalisable que dans des proportions très limitées, car ce sont précisément les communes les plus étendues,