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tutions provinciales, qui devaient, suivant eux, conserver à chaque région son indépendance, son génie et ses ressources. Les autres, tenant compte des changemens que la révolution et les progrès matériels ont introduits dans l’organisation nationale, proposaient d’accorder aux subdivisions politiques et administratives, au département, au canton et à la commune, des attributions plus étendues et une part plus large au choix ou à l’élection de leurs fonctionnaires. Ces diverses aspirations se résumaient en un mot vague, décentralisation, que chacun entendait à sa manière, et qui n’en était que plus efficace pour rallier les partis les plus opposés. L’indépendance de la commune rentrait ainsi dans ce plan général de réforme que le gouvernement ne repoussait plus absolument, que les esprits libéraux recommandaient avec ardeur, et dont l’école radicale ne pouvait manquer de s’emparer. On avait dit et répété partout que la commune française était privée de tous droits, qu’elle végétait, obscure et impuissante, à la merci de l’autorité centrale, qu’elle était livrée pieds et poings liés aux caprices d’un préfet ou d’un sous-préfet. On citait, comme contraste, le type de la commune en Angleterre, en Belgique, aux États-Unis et dans d’autres pays libres. A l’aide de ces réclamations et de ces exemples, les orateurs de l’opposition et les publicistes libéraux avaient habitué les esprits à la revendication des franchises communales, dans une certaine mesure à l’idée d’autonomie, de telle sorte que le prospectus de la commune autonome devait être facilement pris au sérieux dans les régions où la presse radicale avait quelque crédit.

Par cette question, à laquelle les événemens ont donné une importance si grande, on peut juger à quel point deviennent périlleuses en temps de révolution les formules vagues et les réclamations qui n’ont pas été suffisamment étudiées. Ce n’est point à la législation municipale qu’il faut s’en prendre si pendant de longues années la France a vécu dans une espèce d’engourdissement politique, c’est au système général du gouvernement. La loi municipale reconnaît aux conseils élus la plupart des attributions qui doivent être laissées aux autorités locales, et, en première ligne, le vote du budget, ainsi que l’administration des biens appartenant à la commune. Ces mesures sont, il est vrai, soumises à l’approbation soit du gouvernement, soit du préfet; cependant il est permis de dire que ce n’est là qu’une formalité, indispensable pour assurer l’unité de la législation nationale, mais tout à fait inoffensive quant à la liberté qui est due aux conseils municipaux pour leur gestion. Combien de fois arrive-t-il que le gouvernement ou le préfet rejette ou seulement modifie les budgets préparés par les conseils municipaux? Ce cas est des plus rares. Les communes peuvent augmen-