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et elle avait présenté un programme « qui, s’il pouvait être adopté, ferait reculer la France aux temps du moyen âge, et lui enlèverait toute chance de résurrection, non point pendant des années, mais pour des siècles ! »

M. Mazzini développe longuement les motifs de cet arrêt. — Politiquement, dit-il, le système aboutirait à l’anéantissement de la nation, qui deviendrait la proie de discordes multipliées à l’infini pour être livrée un jour à la conquête étrangère. Comment concevoir une ligue de 36,000 communes, indépendantes et souveraines, divisées de sentimens et d’intérêts, inégales en étendue, en puissance et en richesse, fatalement condamnées à mort par suite de leur isolement? La France, ainsi pulvérisés, perdrait la sainte notion de la nationalité, elle n’exercerait plus aucune influence sur le progrès général de la civilisation, elle serait perdue pour le monde; il n’y aurait plus de France. Au point de vue social, on irait directement contre les tendances de l’esprit moderne en substituant l’individualisme au principe fécond de l’association. L’égalité elle-même serait profondément atteinte, car les supériorités naturelles ou factices se maintiendraient ou s’établiraient plus aisément dans l’étroit périmètre de chaque commune. Sous le rapport économique, la production et la consommation seraient embarrassées par les entraves que les intérêts ou les caprices locaux apporteraient au mouvement des échanges. Bref, le programme considéré dans son ensemble est « rétrograde, immoral, contraire au bien de l’humanité. » La nation qui consentirait à l’accepter commettrait un suicide.

La commune, selon l’opinion de M. Mazzini, n’est qu’une parcelle du grand tout qui s’appelle la nation. Elle a droit à la liberté pour la gestion des intérêts matériels locaux, elle doit pouvoir choisir par les voies de l’élection ou du concours les agens auxquels est confiée la charge de ces intérêts. Ses attributions ne s’étendent pas au-delà. La nation conserve souverainement le droit et le devoir de diriger l’organisation militaire et l’instruction publique, de fixer les impôts, de régler la législation et de prescrire toutes les mesures d’intérêt général. « Toute révolution qui prétendra faire prévaloir des principes contraires rendra la république impossible et détruira la nation; elle ne pourra jamais fonder la commune. » Ainsi se termine cet article qu’il nous a paru utile d’analyser. M. Mazzini critique avec vigueur et souvent avec éloquence les singulières doctrines qui ont été si pompeusement délayées dans le programme de l’Hôtel de Ville; il démolit jusqu’à la dernière pierre le monument informe que les théoriciens de l’insurrection du 18 mars prétendaient édifier sur les plans de leur commune autonome. Sous