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fixement le soleil sans fermer les yeux. Le mollet est formé par deux muscles puissans qui s’insèrent au talon par l’intermédiaire du tendon d’Achille; à côté d’eux se trouve un autre muscle long, mince, incapable d’une action énergique, le plantaire grêle. Ce muscle, ayant les mêmes attaches que les jumeaux, semble un mince fil de coton accolé à un gros câble de navire. Chez l’homme, ce muscle est sans usage; mais chez le chat et les animaux du même genre, le tigre, la panthère, le léopard, ce muscle est aussi fort que les deux jumeaux, et rend ces animaux capables d’exécuter des bonds prodigieux quand ils s’élancent sur leur proie. Les animaux marsupiaux, tels que les sarigues et les kangourous, sont munis d’une poche où les petits habitent pendant la période de la lactation; cette poche est soutenue par deux os et fermée par deux muscles. Quoique placé à l’extrémité supérieure de l’échelle des mammifères, dont les marsupiaux occupent les gradins inférieurs, l’homme a conservé les traces de cette disposition; les épines du pubis représentent les os marsupiaux, les muscles pyramidaux ceux qui ferment la poche : chez nous, ils sont évidemment sans usage. Il y a plus, ces organes rudimentaires peuvent être non-seulement inutiles, mais encore nuisibles. En se rompant, le muscle plantaire grêle donne lieu à l’accident connu sous le nom de coup de fouet. Dans les herbivores, le cheval, le bœuf et certains rongeurs, le gros intestin présente un grand appendice en forme de cul-de-sac appelé cœcum. Chez l’homme, cette portion du canal intestinal se réduit à un petit corps cylindrique dont la cavité admet à peine une soie de sanglier; sa forme et sa longueur lui ont valu le nom d’appendice vermiforme. Inutile à la digestion, puisque les alimens n’y pénètrent pas, il devient un danger, si par malheur un corps dur, tel qu’un pépin de fruit ou un fragment d’os, s’y trouve introduit; il en résulte d’abord une inflammation, puis la perforation du canal intestinal, accidens suivis d’une mort presque certaine.

Dans le reste du règne animal, des exemples du même genre se rencontrent à chaque pas. Chez les oiseaux coureurs, l’autruche, le nandou, les ailes sont tellement réduites qu’elles ne sont utiles à l’animal que pour hâter sa course. Dans le casoar et l’apterix, elles disparaissent presque tout à fait; réduites également chez les pingouins et devenues impropres au vol, elles servent de rames à l’oiseau quand il se meut dans l’eau. Les ailes ne sont pas les seuls exemples de membres rudimentaires et sans usage; des ordres d’animaux tout entiers présentent un phénomène analogue. Chez les serpens, si voisins des sauriens ou lézards, les quatre membres ont disparu, mais la transition se fait par les bipèdes, les chalcides et les bimanes; chez les premiers, ce sont les membres antérieurs, chez les autres les membres postérieurs qui manquent. Chez les