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ment des monocotylédones. Il ne faut pas s’en étonner. Dans l’évolution successive des êtres vivans, malgré de profondes différences d’organisation, les mêmes milieux et les mêmes besoins ont amené le développement des mêmes formes, que l’hérédité a fixées et maintenues par la reproduction de l’espèce.

Nous avons déjà vu que l’embryologie témoigne de l’unité dans l’ordre des crustacés, par exemple, qui dérivent tous d’un animal primitif encore vivant, le nauplius. Les vertébrés supérieurs obéissent à la même loi. Sur une planche dessinée par lui-même, Haeckel nous montre des embryons âgés de quatre semaines de l’homme, du chien, de la tortue et du poulet au quatrième jour. L’identité est presque absolue. Tous sont munis d’une queue, les membres se montrent sous la forme de quatre petits moignons, la place du nez, de l’œil et de l’oreille est marquée. Tous portent trois fentes branchiales qui ne persistent que chez les poissons, et s’effaceront chez les animaux terrestres que nous avons nommés. Ces fentes nous démontrent que tout vertébré présente d’abord une organisation qui l’assimile aux poissons. Au bout de deux mois chez l’homme, six semaines chez le chien et la tortue, huit jours chez le poulet, les fentes branchiales ont disparu, mais la queue persiste encore, les doigts et les orteils apparaissent, et quelques différences commencent à se manifester entre le chien et l’homme d’un côté, le poulet et la tortue de l’autre. A partir de ce moment, les différences s’accentuent, et ces êtres si semblables au début deviennent des types complètement distincts; mais leur état embryonnaire nous a dévoilé leur identité originelle, et nous a prouvé que leur organisation est d’abord, non pas celle du groupe dont ils font partie, mais celle des poissons, animaux aquatiques placés au bas de l’embranchement des vertébrés.

Il est un autre ordre de preuves sur lesquelles s’appuie l’école transformiste, c’est l’existence chez les animaux et chez les végétaux d’organes rudimentaires, avortés, de nul usage pour l’être organisé auquel ils appartiennent, mais qui, développés chez d’autres animaux, y remplissent des fonctions importantes. Ainsi l’homme porte sur sa poitrine les traces des mamelles, chez lui sans usage; elles ne sont développées et ne sécrètent du lait que chez la femme. Sur les parties latérales du cou et autour de l’oreille, nous possédons à l’état rudimentaire les muscles au moyen desquels le cheval agite sa peau pour chasser les mouches et dresse les oreilles quand un bruit inattendu vient à frapper son ouïe. Chez nous, ces muscles existent, mais ne fonctionnent pas. Autre exemple : à l’angle interne de notre œil se trouve une petite masse rouge sans usage, la caroncule lacrymale, indice de la troisième paupière ou membrane clignotante, grâce à laquelle les oiseaux de proie peuvent regarder