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nuaient à supplier Dioscore de retirer la sentence, et les écartèrent avec brutalité.

La basilique était pleine de tumulte. Des soldats parcouraient les bas-côtés brandissant leurs armes, et une foule de peuple, de parabolans et de moines, entrés à leur suite, portaient le désordre à son comble. On n’entendait que cris féroces ou menaces. « Il faut chasser d’ici, criait-on, il faut tuer ceux qui n’obéissent pas à Dioscore. » Les moines de Barsumas étaient Là, faisant montre de ces massues avec lesquelles ils avaient assommé tant de nestoriens, évêques ou clercs, et pour eux tout opposant à Dioscore était un nestorien. L’enquête faite plus tard donne une idée du désarroi qui se mit parmi les membres du concile. Ils fuyaient à la débandade dans les recoins les plus écartés de l’église, car Dioscore fit fermer les portes pour empêcher l’assemblée de se dissoudre. On en trouva qui s’étaient blottis sous leurs bancs. Etienne d’Éphèse s’étant caché dans sa sacristie, on en ferma la porte à clé et on le tint prisonnier jusqu’à ce qu’il eût souscrit la sentence. Les évêques d’Egypte secondaient les parabolans et les moines dans leurs manifestations menaçantes, et malheur à qui faisait mine de réclamer, il était battu et désigné à la déposition. L’enquête fait foi de toutes ces horreurs. Le diacre Hilaire, devenu dépositaire des tablettes de Flavien contenant sa déclaration d’appel, parvint adroitement à s’échapper de l’église pendant le tumulte. Une fois dehors, il ne resta pas un instant dans la ville, et, gagnant la campagne, il déjoua toutes les recherches jusqu’à ce qu’il eut atteint, par des chemins détournés, un port où il s’embarqua pour l’Italie. On ne sait comment les deux autres légats se sauvèrent.

Quand le désordre se fut un peu calmé, le président ordonna que chacun reprît sa place, et, debout sur son estrade, le bras étendu en signe de commandement, il annonça qu’on allait recueillir les opinions. « Si quelqu’un refuse d’opiner, dit-il insolemment, c’est à moi qu’il aura affaire ; les avis seront portés aux actes, et l’empereur les connaîtra, qu’on y prenne garde ! » On alla aux voix suivant les rangs. La terreur et la lâcheté payèrent leur tribut d’infamie comme la vengeance et la haine. Juvénal opina le premier, et il opina pour la déposition. Domnus d’Antioche vint ensuite et fit la même chose : l’histoire l’a signalé au mépris du monde, et lui-même se rendit justice en renonçant à l’épiscopat. Eusèbe d’Ancyre hésita, il osa même parler de douceur et de clémence ; des cris furieux l’interrompirent du côté des Égyptiens, et il faillit lui-même être déposé. Théopompte de Cabase, aussi ignorant que méchant, dit qu’il condamnait les accusés pour avoir renouvelé l’hérésie de Nestorius. Un autre se plaignit que la déposition fut une peine insuffisante pour de tels scélérats, et il demanda leur tête ; ce misé-