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c’est le même Fils éternel du Père éternel qui est né du Saint-Esprit et de la vierge Marie. Cette génération temporelle n’a rien ôté ni ajouté à la génération éternelle ; mais elle a été employée tout entière à la réparation de l’homme pour vaincre la mort et le démon. En effet, nous n’aurions pu surmonter l’auteur du péché et de la mort, si celui-là n’avait pris notre nature et ne l’avait faite sienne, qui ne pouvait point être infecté du péché ni retenu par la mort.

« L’une et l’autre nature, demeurant en son entier, a été unie en une personne, afin que le même médiateur pût mourir, demeurant d’ailleurs immortel et impassible. Il a tout ce qui est en nous, tout ce qu’il y a mis en nous créant, tout ce qu’il s’est chargé de réparer ; mais il n’a point ce que le trompeur y a mis : il a pris la forme d’esclave sans la souillure du péché. Une nature n’est point altérée par l’autre, le même qui est vrai Dieu est vrai homme ; il n’y a point de mensonge dans cette union : Dieu ne change point par la grâce qu’il nous fait ; l’homme n’est point consumé par la dignité qu’il reçoit…

« Eutychès, qui nie que notre nature soit dans le fils de Dieu, doit craindre ce que dit saint Jean : « tout esprit qui confesse que Jésus-Christ est venu dans la chair est de Dieu ; tout esprit qui le divise n’est pas de Dieu : c’est l’Antéchrist. » Or qu’est-ce que diviser Jésus-Christ, sinon en séparer la nature humaine ? L’erreur touchant la nature du corps de Jésus-Christ anéantit nécessairement sa passion et l’efficacité de son sacrifice, et quand Eutychès nous répond : « Je confesse que Notre-Seigneur était de deux natures avant l’union, mais après l’union je ne reconnais qu’une nature, » il profère un grand blasphème, car il n’y a pas moins d’impiété à dire que le fils de Dieu était de deux natures avant l’incarnation que de n’en plus reconnaître qu’une après… »

Cette formule si nettement, si élégamment posée dans la lettre du pape Léon s’y montrait appuyée par des textes nombreux de l’Écriture et des pères.

Cependant les évêques arrivaient successivement à Ephèse. Dioscore était à son poste, soufflant le feu de la violence autour de lui, et les vexations traditionnelles contre ceux qui paraissaient contraires au but avoué du concile n’attendirent pas sa réunion pour commencer. Les trois légats du pape (le prêtre René était mort en route dans l’île de Délos) avaient pris gîte dans la maison occupée par Flavien, ils y avaient mangé et couché au moins cette nuit-là : Eutychès en tira occasion de les récuser pour ses juges. D’autre part, l’évêque Eusèbe de Dorylée, à qui l’entrée du concile était interdite et qui néanmoins s’était rendu à Éphèse, alla descendre chez l’évêque de la ville, Étienne, soit par suite d’anciennes rela-