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attribuer à l’église tout ce qui lui semblait bon. On cite de lui la rapine la plus effrayante qui ait jamais été commise. La Libye, qui dépendait de son ressort, était, comme on sait, une province aride où les récoltes faisaient fréquemment défaut, où l’on se procurait à grand’peine du blé, où les pauvres et les moines mouraient de faim. Les évêques libyens se concertèrent pour obtenir de l’empereur une part gratuite dans l’approvisionnement de l’annone, part qui serait distribuée par leurs soins aux nécessiteux de leurs églises. Dioscore réclama comme supérieur de ces communautés le droit de diriger les distributions ; il se fit délivrer le blé, l’emmagasina et le vendit à son profit dans les mauvaises années : la Libye n’en vit rien. On rejetterait volontiers de tels faits comme des calomnies, s’ils n’étaient fondés que sur un bruit public ; mais ils furent affirmés par serment en plein concile sous le gouvernement de l’empereur Marcien. L’impunité que lui valait son alliance avec le grand-chambellan lui avait tourné la tête, il ne redoutait rien, il ne respectait rien ; les magistrats civils tremblaient devant lui, et un jour qu’on le menaçait de l’empereur, il répondit avec dédain : « Il n’y a pas ici d’autre empereur que moi. » Ses mœurs étaient à l’avenant, et des Égyptiens dignes de foi racontèrent au concile de Chalcédoine que son palais épiscopal et même les bains de l’évêché étaient continuellement fréquentés par des femmes de mauvaise vie, et qu’une d’elles, nommée Pansophia, passait dans toute l’Egypte pour la maîtresse en chef du patriarche. Tel était le personnage désigné par Chrysaphius au choix de l’empereur pour la présidence du futur concile, et l’empereur lui écrivit de sa main comme pour une mission de confiance.

Cette mission, qui le mettait en relief, lui et son église, Dioscore la reçut avec joie. Il allait montrer encore une fois un patriarche d’Alexandrie en face d’un patriarche de Constantinople, fonder l’orthodoxie des anathématismes que les Orientaux avaient tant contestée, et faire voir au monde que l’Egypte possédait seule la science des dogmes chrétiens. Peut-être aussi en soutenant une cause où Cyrille était en quelque sorte partie, puisque Eutychès appuyait sur lui le fondement de son système, Dioscore prétendait-il payer sa dette envers le prédécesseur dont il dépouillait la famille. Le règlement du futur concile fut arrêté de concert avec lui. L’empereur ordonnait que chaque patriarche ou exarque n’amènerait que dix métropolitains de son ressort, et chaque métropolitain qu’un seul suffragant, ce qui faisait cent vingt députés pour les six grands diocèses de l’empire d’Orient. L’adjonction de quelques Occidentaux et d’autres circonstances élevèrent ce nombre dans la suite, et lors des souscriptions finales le concile se trouva compter 149 votans. La limitation à dix du nombre des métropolitains par diocèse, fa-