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blia dans toutes ses églises, fit afficher dans toutes les rues de Constantinople la sentence de condamnation avec des attaques contre la condamné. Comme tous les caractères faibles, qui, entrés dans la lutte, ne connaissent plus de mesure, Flavien rendait par la dureté de ses procédés tout retour à la conciliation impossible. Sans doute en excommuniant les moines d’Eutychès, qui regrettaient leur chef, il appliquait un canon ecclésiastique ; mais ce canon rigoureux, des pasteurs prudens l’avaient laissé dormir dans des occasions pareilles, et on pouvait le croire abrogé. D’un autre côté, il agitait l’Orient par ses lettres, présentant aux Syriens l’épouvantail de l’apollinarisme dans les propositions d’Eutychès, lesquelles n’étaient en grande partie qu’une amplification des mots de Cyrille : « une seule nature incarnée du Verbe divin.. » Les Orientaux en effet s’émurent, et le patriarche : d’Antioche Domnus, successeur de Jean, dont il était le neveu, s’empressa de souscrire aux actes de Constantinople. Théodoret en fit autant et qualifia l’archevêque Flavien de « brillant flambeau de la foi, et d’imitateur des apôtres dans leur courage comme dans leur doctrine. » L’Orient recueillait ses forces pour un nouveau combat théologique, et tout le monde réclamait le concile.

De son côté, l’archimandrite, aidé de conseillers habiles et habile lui-même, instruisait un procès en règle contre l’archevêque. Non content de l’attaquer dans des publications répandues partout, il l’accusa juridiquement de plusieurs crimes commis à son égard. Le premier était de l’avoir cité devant son synode de passage, sachant qu’il était lié par un vœu à ne point quitter son cloître, espérant qu’il ne le quitterait pas, et se proposant de le condamner par contumace. Le second était d’avoir dirigé son interrogatoire avec artifice et mauvaise foi, l’interrompant à chaque instant et lui enlevant la liberté de la défense. L’accusé ayant présenté son exposition de foi écrite, le président avait refusé de la faire lire, il avait également refusé de recevoir son appel par écrit avant la sentence et de lui en donner acte lorsque celui-ci l’eut renouvelé oralement en face du concile. « Au reste, ajoutait Eutychès à l’appui de ses accusations et l’imputant encore au mauvais vouloir du président, il régnait pendant toute la séance un tel désordre, un tel tumulte, qu’on n’entendait ni les demandes ni les réponses. L’accusé d’ailleurs se savait condamné à l’avance, le bruit en ayant couru par toute la ville, et le silentiaire Magnus ayant vu la sentence toute libellée entre les mains d’un clerc de l’archevêque, avant même que l’archimandrite fut encore à l’église. » Telles étaient les incriminations du moine, et enfin, comme couronnement de ses crimes, il accusait Flavien d’avoir altéré les actes du concile. « J’en ai recueilli une copie, disait-il, je ferai comparaître des témoins ; on