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m’y montrerait-on quelque chose de semblable, je le rejetterais, attendu que les saintes Écritures valent mieux que la doctrine des pères. Je confesse que celui qui est né de la vierge Marie est Dieu parfait et homme parfait : je ne confesse pas qu’il ait une chair consubstantielle à la nôtre. » Telle fut la profession de foi d’Eutychès, apportée par les commissaires en même temps que son refus de comparaître. Eusèbe demanda qu’il fût cité une seconde fois et entendu en personne. « Il est important, dit-il, d’avoir l’œil sur ses menées, car en ce moment même il fait colporter dans tous les monastères de Constantinople un formulaire de sa doctrine pour obtenir des signatures et exciter une sorte de sédition contre le concile. » Le fait était vrai.

La seconde citation n’eut pas plus d’effet que la première ; les prêtres Mammas et Théophile, qui l’apportaient, trouvèrent le couvent fermé et gardé par les moines comme une forteresse. « Que voulez-vous ? leur dirent ceux qui faisaient sentinelle devant la porte. — Avertissez votre archimandrite, répondirent-ils, que nous avons à lui parler de la part de l’archevêque et de tout le concile. — L’archimandrite est malade et ne peut vous voir, reprirent les moines ; mais que lui voulez-vous ? dites-le-nous. — C’est à lui-même que nous sommes envoyés, répliquèrent les commissaires, à lui-même que nous devons remettre une citation par écrit que nous tenons en main. » Les moines entrèrent, ressortirent, firent beaucoup d’allées et venues, puis amenèrent avec eux un autre moine, nommé Eleusynius, que l’archimandrite envoyait, disaient-ils, pour connaître ce qu’on lui signifiait. Les commissaires du concile parurent choqués de cette inconvenance et firent mine de partir. Les moines alors semblèrent troublés ; ils se chuchotèrent à l’oreille, puis, comme prenant un parti, ils introduisirent les deux prêtres dans le bâtiment de l’archimandrite. Cette dernière scène se passait dans la cour intérieure de l’édifice.

L’archimandrite était devant une table entouré de hauts fonctionnaires de son couvent, savoir : le prêtre Narsès, son syncelle, le diacre Constantin, son apocrisiaire, Eleusynius, un de ses conseillers, et Maxime, archimandrite d’un couvent voisin et son ami. Il tenait à la main un papier dont il voulut charger les commissaires pour le concile ; ceux-ci le refusèrent, disant : « C’est à vous de venir vous expliquer vous-même. » Il voulut leur lire ce que contenait ce papier, ils s’y refusèrent également ; il le souscrivit alors et dit qu’il le ferait remettre au concile par une autre voie. « Que me veut-on ? répétait-il ; je suis vieux et cassé, l’évêque et le concile le savent bien ; ils savent aussi que je me suis fait une loi de ne point sortir de ce monastère, si la mort ne m’y contraint. On peut faire de moi tout ce qu’on voudra ; je prie seulement que personne ne