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éloignée de la cour ; mais la chose importante était de l’éloigner sans éclat, car Théodose balançait entre le scandale d’une rupture publique avec cette sœur si vénérée et l’inconvénient de sa présence au palais. L’esprit fécond de Chrysaphius imagina un moyen terme. Aidé de l’impératrice, il fit entendre au prince que Pulchérie, de plus en plus dégoûtée du monde, n’aspirait qu’à une profession religieuse entière, que son désir surtout serait d’être attachée à l’église de Constantinople comme diaconesse à cause de Flavien, dont elle faisait un cas tout particulier, bien qu’elle renfermât ce désir en elle-même, de peur d’offenser son frère et d’être rebutée par l’archevêque. Cette fable plut à Théodose. Sans chercher à en savoir plus long, il fit venir aussitôt Flavien, et lui demanda comme un grand service pour la famille impériale, à qui il épargnerait des scènes douloureuses, d’ordonner diaconesse Pulchérie-Augusta la première fois qu’il la verrait et sans l’avertir d’avance. Flavien était honnête, comme je l’ai dit ; il était attaché à la fille d’Arcadius ; il comprit qu’il y avait là-dessous quelque complot odieux, et lui écrivit de ne pas se présenter à la basilique, « qu’il y allait de leur sûreté à tous deux. » Pulchérie partit aussitôt pour l’Hebdomon dans un exil volontaire, jusqu’à ce que les temps fussent devenus meilleurs. Le coup était manqué : l’empereur vit que sa confidence avait été trahie par Flavien, qu’il prit dès lors en aversion. Telles étaient les causes de discorde entre la cour et l’archevêque de la ville impériale lorsque commença la querelle d’Eutychès.

Le 8 novembre, le synode, assemblé dans la salle du conseil de l’église cathédrale, sous la présidence de Flavien, allait se séparer après avoir terminé sans difficulté l’affaire de Lydie, lorsqu’Eusèbe de Dorylée se leva, tenant une requête à la main. « Je demande, dit-il, que cette requête soit lue et insérée aux actes. » C’était une dénonciation contre Eutychès. Elle portait que l’archimandrite Eutychès ne cessait de proférer des blasphèmes contre la foi, qu’il parlait des clercs avec mépris, et accusait Eusèbe lui-même d’être hérétique. Eusèbe priait donc le concile de le faire venir pour répondre à son accusation. « Je suis surpris de cette plainte, dit Flavien lorsqu’Eusèbe eut fini ; prenez la peine de voir l’archimandrite et de l’entretenir, et, si vous trouvez qu’en effet il n’a pas une bonne croyance, le concile le fera appeler pour se défendre. — J’étais son ami auparavant, répondit Eusèbe, et je lui ai parlé sur ce sujet non pas une ou deux fois, mais vingt ; je l’ai instruit, je l’ai averti, et il persévère à dire des choses qui blessent la foi. Faites-le venir, je vous en conjure, car il corrompt son monastère. » Flavien insista dans une pensée de paix, « Retournez vers lui, dit-il paternellement à Eusèbe ; parlez-lui encore, et faites qu’il n’éclate pas quelque