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nête, patriote, libérale, qui se compose d’anciens constitutionnels et de républicains modérés, qui se tient entre tous les camps extrêmes. C’est ainsi, c’est par le concours actif, permanent, de cette majorité et du gouvernement, qu’on arriverait à résoudre toutes ces questions qui sont devant nous et qui se résument dans un seul mot, celui de réorganisation nationale. On ferait la loi militaire, les lois de finances, la loi sur les municipalités, la loi organique des élections ; certes le programme est vaste. La situation générale elle-même prendrait évidemment dans ce travail une fixité croissante. Rien n’empêcherait alors d’en venir à des mesures qui étendraient et régulariseraient les institutions, le renouvellement partiel de l’assemblée, la création d’une seconde chambre. Que les bonapartistes continuent à réclamer leur plébiscite, que les radicaux discutent sur toutes les nuances du droit constituant, pendant que les uns et les autres se livreront à des disputes inutiles, la France marchera, s’organisera avec une patiente résolution. Cela serait peut-être nouveau dans un pays accoutumé jusqu’ici aux coups de théâtre constitutionnels ; ce ne serait pas sans doute moins efficace, ce serait peut-être le commencement d’une transformation de nos mœurs publiques, et dans tous les cas rien ne pourrait affaiblir sérieusement l’autorité d’une semblable politique, puisque ce serait la souveraineté nationale se régularisant, se gouvernant elle-même. Il est vrai que les partis extrêmes seraient toujours fondés à dire que ce n’est pas la vraie souveraineté nationale, puisqu’elle ne donne ni l’empire ni la république radicale ; mais enfin la France pourrait s’en consoler en se sentant revivre après tant de malheurs, et ceux qui auraient conduit cette œuvre simplement, honnêtement, sans usurpations et sans coups d’état, ceuxlà pourraient assurément passer pour des patriotes dignes de l’estime publique. La France a sans doute bien des défauts et a commis bien des erreurs ; elle a tout expié cruellement, et peut-être a-t-elle payé assez cher ses faiblesses passées pour mériter aujourd’hui cette fortune nouvelle, qu’elle ne devrait qu’à ses propres efforts sagement dirigés. Ce n’est pas en France seulement que la vie publique est pleine d’épreuves aujourd’hui. Les crises ne conduisent pas partout aux mêmes désastres heureusement. Les pays les plus favorisés, les mieux accoutumés à la liberté, ne sont pas moins exposés quelquefois eux-mêmes à des secousses, à des coups de vent qui ne sont pas sans péril. Quel est le pays plus paisible d’habitude, plus libre que la Belgique ? Voici cependant que depuis quelques jours tout est en émoi. Le feu est dans le parlement, les manifestations courent les rues, les violences même éclatent, et la foule va briser les vitres de certains personnages à Bruxelles. C’est là vraisemblablement une émotion passagère, peut-être fomentée ou aggravée et exploitée par des agitateurs qui restent derrière le rideau. Il n’est pas moins vrai que les scènes de Bruxelles ont quelque