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rence ; c’était une pure chimère. Ce papier, si avantageux qu’il pût être, ne donnerait toujours pas la faculté de l’échanger contre des espèces; or tout est là. À ce compte, on pourrait tout aussi bien faire circuler comme instrumens d’échange des obligations de chemins de fer ou toute autre valeur industrielle.


II.

Ceci dit, voyons quel pourrait être aujourd’hui l’inconvénient chez nous de dépasser la limite des 2 milliards 400 millions assignée par la loi à l’émission des billets de la Banque de France. Ces billets, arrivés au chiffre de 2 milliards 300 millions, circulent encore, avons-nous dit, à peu près au pair; cela tient à ce que, indépendamment des 60O millions dans les caisses de la Banque, il y a une grosse réserve métallique dans le pays, qui pourra nous aider à reprendre bien vite nos paiemens aussitôt que nous serons sortis des difficultés actuelles. C’est cette confiance plus que toute autre chose qui permet à la circulation fiduciaire de se répandre sans trop de défaveur, avec une simple perte de 1 ½ ou 2 pour 100; mais elle est à sa limite extrême, cette perte l’indique. Si on dépasse les 2 milliards 400 millions, on ne peut pas prévoir ce qui arrivera. La confiance peut se trouver altérée de deux manières : d’abord par l’augmentation de l’émission, qui reculera d’autant le moment où l’on pourra reprendre les paiemens en espèces, ensuite parce qu’on ne verra plus de bornes à l’émission du papier-monnaie, le législateur étant toujours le maître de l’accroître, s’il le juge à propos. L’effet moral serait pire que l’effet matériel, et, comme le premier joue un très grand rôle en matière de crédit, on peut, avec une simple augmentation de 500 à 600 millions de billets, amener une dépréciation de 10 pour 100, ce qui serait désastreux. C’est un miracle, je le répète, que notre circulation, déjà si élevée, soit aujourd’hui encore à peu près au pair. Tenons-nous-y, et ne demandons pas plus, car nous pourrions tout compromettre à force de trop oser.

La limite des 2 milliards 400 millions doit être considérée comme infranchissable ; mais comment faire pour s’y renfermer? Parmi les moyens indiqués on rencontre beaucoup d’illusions et de chimères. Le premier de ces moyens est d’obliger l’état à contracter un emprunt plus ou moins fort pour rembourser la Banque de France d’une partie des avances qu’elle lui a faites. On suppose que, si cet emprunt était de 6 à 700 millions, et qu’il rentrât en billets, ce qui serait le plus probable, la circulation fiduciaire, étant diminuée d’autant, ne tarderait pas à retrouver le pair; les espèces métalliques reparaîtraient alors sur le marché, et la crise monétaire se