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On n’était pas en face de grands besoins pour l’extérieur; de plus les exportations considérables de marchandises qui avaient lieu ne tardèrent point à faire rentrer beaucoup de numéraire. À cette heure, les métaux précieux s’en vont de diverses manières, d’abord pour payer l’indemnité de guerre, puis pour régler nos acquisitions de céréales au dehors, car la disette s’est jointe à tous les autres maux, enfin par des placemens que des personnes prudentes jugent à propos de faire à l’étranger. La situation est donc toute différente. Sans doute la réserve métallique, bien qu’entamée, est encore très considérable dans le pays : les renseignemens officiels disent qu’il ne serait pas sorti jusqu’à ce jour plus de 200 millions d’espèces monnayées françaises pour payer les l,475 millions qu’ont déjà reçus nos ennemis, y compris la rançon de la capitale. Ce chiffre est trop modéré, car tout n’a pas passé sous les yeux de l’administration; portons-le à 400 millions. D’autre part, il résulte du relevé des douanes depuis vingt ans et de diverses indications très précises que nous avions au moins avant la guerre 5 milliards 1/2 de numéraire; si on suppose qu’il en soit sorti pour 1 milliard depuis cette époque, ce qui dépasse toutes les probabilités, il nous en resterait encore pour à milliards 1/2. C’est beaucoup assurément, on peut même trouver que c’est trop, car l’Angleterre fait plus d’affaires que nous avec un stock métallique qui n’est guère supérieur à 2 milliards; mais nous n’avons pas les habitudes de nos voisins, nous ne sommes pas encore familiarisés avec les viremens et les paiemens par compensation : en attendant, il nous faut beaucoup de numéraire pour nos transactions. Ce qui prouve que les 5 milliards 1/2 de métaux précieux que nous possédions avant la guerre excédaient de très peu nos besoins, c’est qu’ils restaient, et ne s’en allaient pas au dehors. Or, avec la facilité des transports qui existe aujourd’hui, les réservoirs métalliques des divers pays sont en parfaite communication les uns avec les autres : ceux qui sont trop pleins débordent sur ceux qui le sont moins, et il s’établit partout un niveau général en rapport avec les besoins. Si donc nous gardions les 5 milliards 1/2, c’est qu’ils nous étaient nécessaires, sauf la part qui reste à l’état flottant et qui s’amasse dans les banques; c’est celle-là qui constitue l’élément disponible de la circulation, et c’est sur elle que se mesure le plus ou moins d’abondance des métaux précieux. Les 1,300 millions d’espèces métalliques qui se trouvaient en réserve à la Banque de France l’année dernière contre une circulation fiduciaire d’environ 1,400 millions indiquaient évidemment qu’il y avait abondance. Il n’en est plus de même à présent; la faiblesse relative de l’encaisse par rapport aux billets, la prime de l’or, la difficulté extrême qu’on éprouve à se procurer du numéraire sous une forme quelconque, tout cela prouve que nous