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300 millions avec une encaisse qui ne dépasse guère 600 millions; elle touche à la limite de 2 milliards 400 millions qui a été fixée par la loi à son émission. Quand elle y sera, et même avant qu’elle y arrive, — pour ne pas commencer à prendre des précautions quand les embarras seront plus sérieux, — que fera-t-elle, que pourra-t-elle faire? C’est maintenant la principale question qui est posée; elle est d’autant plus grave que l’état s’est réservé de demander encore à la Banque de France, d’ici au 1er janvier, une nouvelle avance de 200 millions, — que d’autre part le commerce a de grands besoins, qu’il a chômé longtemps, et qu’il lui faut aujourd’hui pour reprendre son activité beaucoup de capitaux. Qui les lui donnera? La circulation fiduciaire à 2 milliards 300 millions se tient presque au pair avec la monnaie métallique, c’est un miracle. Ne va-t-elle pas, si on dépasse la limite légale, se déprécier dans une proportion plus forte que ne paraîtrait le comporter l’augmentation d’émission? Et, si elle se déprécie sensiblement, quel trouble peut en résulter? Telle est, répétons-le, la principale question; toutes les autres sont renfermées dans celle-ci. Nous les examinerons successivement lorsque nous aurons élucidé le premier point, qui est de savoir si dans les circonstances on peut franchir sans péril la limite de 2 milliards 400 millions assignée à notre circulation fiduciaire.


I.

En tout temps, il y a des gens qui se préoccupent peu de la monnaie métallique comme garantie de la circulation fiduciaire; ils prétendent que celle-ci, ayant été émise contre des valeurs sérieuses telles que du papier de commerce ou des bons du trésor, s’il s’agit d’avances faites à l’état, n’a pas besoin d’autre garantie. La monnaie métallique, suivant eux, est plutôt un embarras qu’un avantage à cause du prix qu’elle coûte à entretenir et des difficultés qu’on éprouve à se la procurer à certains momens; on aurait tout profit à s’en passer. Ce sont les mêmes gens qui mobiliseraient volontiers les immeubles, la terre, les maisons, et les représenteraient par du papier en circulation, qui feraient de même pour les valeurs mobilières. Ils se figurent qu’en multipliant ainsi les instrumens d’échange on éviterait les crises monétaires, et que le capital serait toujours abondant et à bon marché. C’était la théorie de Law, qui déclarait qu’il fallait proportionner les moyens de circulation aux besoins de l’activité sociale, et que tout le problème était là pour échapper aux embarras financiers, pour donner aux affaires tout le développement qu’elles peuvent avoir. Le célèbre financier écossais, malgré la chute de son système, a laissé des héritiers; il