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les ouvriers européens. Ce sont les Allemands qui se distinguent le plus par leur esprit d’ordre et leur prudente parcimonie. Ils tirent parti de tout et n’hésitent pas à faire travailler autant que possible tous les membres de la famille, y compris la femme. Le consul de Buffalo pense que, par ces mœurs laborieuses et prévoyantes, les Allemands formeront bientôt la classe riche et dominante des États-Unis.

La Californie est aux autres états d’Amérique ce que l’Amérique est à l’Europe, une sorte de terre promise. La condition des artisans et de tous ceux qui appartiennent de près ou de loin aux classes industrielles est dans ce pays exceptionnellement favorable. L’ouverture du chemin de fer du Pacifique et l’immigration chinoise n’ont pas abaissé d’une manière notable la situation des ouvriers californiens. Les plus modestes salaires dans ce pays sont de 2 dollars ou 10 francs par jour; les apprentis, garçons ou filles, sont avec les Chinois les seuls à gagner moins. D’après les tableaux statistiques très détaillés et très nombreux qui nous sont fournis par le consul anglais de San-Francisco, la rétribution moyenne de l’ouvrier paraît être de 2 dollars 1/2 à 3 dollars, ou de 12 francs à 15 francs. Il n’est pas rare de rencontrer des artisans qui obtiennent une rétribution de à dollars, c’est-à-dire de 20 francs; ce taux n’est même pas la limite extrême, le chiffre de à dollars 1/2 (22 fr. 50) est atteint par les maçons et d’autres ouvriers de premier ordre : les contre-maîtres arrivent quelquefois à 5 dollars ou 25 francs par jour. Les femmes, dans les quelques métiers où elles sont employées, gagnent de 8 à 10 francs par jour. La Californie compte 40,000 Chinois, dont 10,000 servent comme domestiques avec des gages qui varient de 50 à 125 francs par mois outre la nourriture et le logement; les 30,000 autres Chinois travaillent comme manœuvres aux routes et aux champs, ou même comme fileurs, tisserands, empaqueteurs dans les manufactures de laine : dans ces derniers cas, ils sont payés 5 francs par jour outre la nourriture. Les conditions de la vie en Californie, depuis l’ouverture du chemin de fer du Pacifique, ne sont pas notablement plus élevées que dans les autres parties des États-Unis. Un ouvrier célibataire peut vivre à la pension, dans un boarding house, moyennant un prix de 115 à 150 francs par mois. Les loyers occupés par les artisans à l’aise se louent 1,000 ou 1,200 francs par an; ceux des travailleurs plus gênés reviennent à 700 ou 900 francs. Les ouvriers habiles trouvent facilement de l’ouvrage pendant toute l’année; mais le consul anglais reconnaît que les ouvriers médiocres sont exposés à de fréquens chômages. Il ressort de cet ensemble de faits que la condition des artisans bien doués est très heureuse dans ce