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récréations. M. Engel attribue à la famille aisée un ensemble de recettes variant depuis 3,700 francs jusqu’à 5,600, La nourriture prend dans ce dernier budget 50 pour 100, l’habillement 18, le logement 12; les plaisirs et distractions ne prélèvent que 3 1/2 pour 100. Le statisticien de Berlin ne fait dans aucun de ces budgets une place à l’épargne. On voit combien la vie est difficile dans ces familles d’outre-Rhin : elles ne sont pour la plupart séparées de l’indigence que par une faible barrière. Néanmoins le nombre des pauvres est plutôt en voie de diminution qu’en voie de croissance. De 1855 à 1864, s’il faut en croire des tableaux statistiques reproduits par le consul de Leipzig, le nombre des indigens se serait réduit d’un cinquième environ dans le royaume de Saxe.

Le consul anglais de Leipzig a eu l’heureuse idée de comparer minutieusement le taux des salaires et le prix des denrées en Angleterre et en Allemagne. Il résulterait de ces chiffres consciencieusement recueillis que les salaires sont dans la Grande-Bretagne presque toujours deux fois plus élevés qu’en Saxe. Un journalier de la campagne recevrait, par exemple, dans le dernier de ces pays, de 8 à 10 francs par semaine, et de 15 à 19 francs dans le premier. La rétribution hebdomadaire pour le mécanicien saxon serait de 15 à 22 francs, et pour l’ouvrier anglais de 25 à 40 francs. L’écart dans certaines professions est même beaucoup plus grand. Un trieur de laine dans une manufacture de Saxe ne reçoit par semaine que 11 francs 25 centimes, tandis que le même ouvrier dans une manufacture anglaise gagne de 27 à 40 francs. Ce sont surtout les femmes et les apprentis qui sont mieux traités dans la Grande-Bretagne qu’en Allemagne; une peigneuse de laine a des salaires hebdomadaires de 6 francs 25 en Saxe, et de 17 francs 50 en Angleterre. La différence entre les prix des denrées dans les deux pays ne justifierait nullement ces inégalités de rétribution pécuniaire. Du tableau dressé par le consul de Leipzig ressortent les faits suivans, qui surprendront certainement la plupart des lecteurs. Le blé n’est pas à meilleur marché en Saxe que dans la Grande-Bretagne, ou tout au moins l’écart serait presque imperceptible; dans la période de dix ans qui a précédé 1870, cette denrée se serait vendue 2 livres sterling 14 shillings 5 pence le quarter en Angleterre, et 2 livres 13 shillings 3 pence en Saxe. La viande du bœuf aurait été exactement au même prix dans les deux contrées, soit 3 shillings 5 pence les 8 livres (1 fr. 15 cent, le kilo); le mouton et le porc seraient au contraire un peu meilleur marché en Allemagne : ils s’y vendraient 3 shillings 5 pence et 3 shillings 7 pence les 8 livres, tandis qu’en Angleterre le prix de ces deux sortes de viande serait de Ix shillings 3 pence et de à shillings. En revanche, le café et surtout le sucre seraient infiniment plus chers en Saxe. La condition de