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logement convenable, par exemple, ne s’obtient pas à bon marché dans les villes d’Allemagne. Les rapports des consuls anglais entrent dans de grands détails sur ce point. On a calculé qu’à Berlin le loyer absorbait au minimum 16 pour 100, souvent même 20 et jusqu’à 30 pour 100 des ressources d’une famille modeste. Le consul de Hambourg dit expressément que la dépense du loyer est relativement bien plus élevée pour l’ouvrier hambourgeois que pour l’ouvrier anglais. Dans les petites villes, un appartement d’artisan coûte 150 francs ou 200 fr., le prix est notablement plus haut dans les villes importantes. Aussi généralement chaque famille, si nombreuse qu’elle soit, s’entasse dans une seule chambre : six ou huit personnes dorment, mangent, font la cuisine ou la lessive dans une seule pièce de 5 mètres sur 3 mètres et demi. Les célibataires n’ont d’ordinaire d’autre domicile qu’une place dans un dortoir, qui coûte encore à chacun d’eux 60 ou 80 francs par an. Rien n’est plus commun en Allemagne que ces chambres de 4, 5 ou 6 lits occupées par des personnes étrangères les unes aux autres que le hasard seul a réunies; quelquefois même, mais cela n’arrive que pour les ouvriers du dernier ordre, un seul lit sert à deux camarades.

On sait qu’en Allemagne la nourriture des classes moyennes et aisées est singulièrement frugale. La boisson habituelle est l’eau, et l’on ne fait qu’un usage très restreint de la viande de bœuf, de mouton ou de veau. C’est le porc, soit frais, soit salé, ce sont les pommes de terre et les légumes vulgaires, qui font la base de l’alimentation des familles même relativement riches. A plus forte raison, les ouvriers sont-ils soumis à un régime presque uniquement végétal. Ce n’est pas que la production de la viande n’ait sensiblement augmenté, mais l’effectif de la population s’est accru d’une manière rapide. En 1806, la consommation de la viande était en Allemagne de 30 livres en moyenne par habitant; en 1863, elle était de 35 livres et demie : elle est donc demeurée presque stationnaire pendant soixante ans ; il est peu de pays en Europe qui n’aient pas, sous ce rapport, fait plus de progrès. Un savant bien connu, M. Engel, chef du bureau de statistique de Berlin, a dressé les budgets-types de trois familles, appartenant l’une à la classe inférieure (niedere Stand), la seconde à la classe moyenne (Mittelstand), la troisième à la classe aisée (Wohlstand). La première est supposée avoir de 1,100 à 1,500 francs de revenu; elle en affecte 12 pour 100 à son logement, 62 pour 100 à sa nourriture, 15 pour 100 à ses vêtemens, 5 pour 100 au chauffage, et seulement 1 pour 100 aux distractions et plaisirs. La famille de la classe moyenne jouit d’un revenu qui varie entre 2,250 francs et 3,000 francs; la nourriture absorbe 55 pour 100 de ces ressources, l’habillement 18, le logement 12, etc.; il reste seulement 1 1/2 pour 100 pour les