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ce sujet : en parlant du menu de ces repas de corps il n’a voulu mentionner que ce qui était à la charge des associés, le reste leur venait d’ailleurs.

Les collèges avaient heureusement pour eux d’autres sources de revenus que les contributions de leurs associés. Les cinq as qu’on donnait tous les mois pouvaient à peine suffire à la sépulture des morts; il fallait avoir recours à d’autres moyens pour subvenir aux dépenses des repas. A l’imitation des municipes sur lesquels ils étaient formés, les collèges ne payaient pas leurs dignitaires, c’étaient au contraire les dignitaires qui le plus souvent payaient leurs administrés. Il y avait surtout dans chaque association des personnages placés au-dessus de tous les autres qui, en réalité, s’occupaient fort peu des affaires de leurs collègues, et dont l’unique fonction semblait être de leur procurer par leur libéralité des occasions de se réunir plus souvent; on les appelait des protecteurs (patroni). L’élection des protecteurs était fort importante; elle décidait souvent de la fortune d’une société. La plus prospère était toujours celle qui savait le mieux les choisir et qui en tirait le meilleur parti. Ce choix devait présenter quelques difficultés; elles voulaient toutes avoir en tête de leur liste des noms honorables, respectés, qui recommandaient la société dont ils voulaient bien faire partie. Il les fallait avant tout riches et généreux, car on comptait bien leur faire payer le plus cher possible l’honneur qu’on leur faisait en les nommant. Ces qualités ne sont pas communes ; les hommes rares qui les réunissaient devaient être fort recherchés par toutes les associations, et naturellement ils se décidaient d’ordinaire en faveur des plus puissantes. Celles-là ne devaient pas être en peine pour trouver des patroni, on se disputait l’honneur de les protéger. La corporation des nautes à Lyon a pour protecteurs des hommes politiques, des fonctionnaires de l’ordre le plus élevé, des trésoriers-généraux des Gaules. A défaut d’un personnage de cette importance, elle pouvait toujours choisir quelques gros négocians, un marchand de vin ou un marchand d’huile enrichi, dont les débuts avaient été souvent fort obscurs, et qui étaient heureux d’honorer leur fortune en se faisant inscrire en tête d’une association si considérée. Les corporations plus humbles, par exemple les pauvres collèges funéraires, devaient avoir plus de difficulté à se procurer des protecteurs. L’honneur était moindre; il ne devait pas être si recherché. Elles étaient aussi moins difficiles, et s’adressaient un peu plus bas. S’il en était besoin, elles descendaient jusqu’à ces affranchis que la faveur de leurs maîtres ou les chances heureuses du commerce avaient amenés à l’aisance, et qui formaient la classe industrieuse de l’empire. Ces anciens esclaves avaient besoin de se relever de quelque façon des mépris de la société. Ils recherchaient avec avi-