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pétuité. En se voyant davantage les associés prenaient de plus en plus le goût de se voir; la réunion mensuelle devenait pour beaucoup d’entre eux, pour les plus pauvres surtout, une sorte de distraction et de fête. C’était bientôt fait de verser les 5 as à la caisse commune, et il est probable que malgré la défense de la loi, après avoir traité les questions qui concernaient les funérailles, on ne se séparait pas sans parler d’autre chose. Il arriva ainsi que ces associations, fondées uniquement en vue de la mort, prirent une grande importance pour la vie. Bientôt il ne suffit plus aux associés de se voir une fois par mois, ils cherchèrent d’autres occasions de se trouver ensemble. Ici encore la loi fut très accommodante et s’empressa de lever en partie les défenses qu’elle avait faites. « Il n’est pas prohibé, dit Marcianus, de se réunir pour un motif religieux, à la condition de respecter le sénatus-consulte qui interdit les associations illicites. » Il faut avouer que les collèges funéraires n’avaient pas à se plaindre de la façon dont on les traitait; il leur était permis de se réunir une fois par mois pour lever l’argent nécessaire aux sépultures, et tant qu’ils le voulaient sous un prétexte religieux. Les prétextes, comme on le pense bien, ne manquaient pas : il y avait l’anniversaire de la fondation du collège, la fête de l’empereur et de sa famille, celle des magistrats et des bienfaiteurs de la société. A toutes ces solennités, on se rassemblait pour dîner en commun. Dans les religions antiques le repas est une sorte de prière ; quand ils dînaient ensemble, les associés pouvaient prétendre « qu’ils se réunissaient pour un motif religieux, » et la loi n’avait rien à dire. Dès les temps les plus reculés, le repas commun avait été l’occupation la plus importante des collèges. Les sodalités qu’on institua quand on fit venir la Mère des dieux de Pessinunte n’avaient rien trouvé de mieux pour honorer la déesse. « Elles furent établies, dit Caton, pendant que j’étais questeur, je me régalais avec mes compagnons, notre table était sobre; mais ce qui m’attirait le plus dans ces festins n’était pas le plaisir de manger et de boire, c’était celui de me trouver avec mes amis et de converser avec eux. » Ces repas n’étaient pas toujours aussi sobres que Caton le prétend ; tous les convives ne se montraient pas comme lui insensibles au plaisir de boire et de manger. Ce qui le prouve, c’est que l’autorité finit par intervenir pour modérer les dépenses excessives qu’on faisait aux fêtes de Cybèle. Une loi somptuaire exigea que chaque confrère, avant de se mettre à table, vînt attester par serment devant les consuls qu’on ne dépasserait pas 120 écus pour les frais du festin, indépendamment du pain, du vin et des légumes, et qu’on n’y boirait que des vins du pays. Ces lois sévères ne corrigèrent pas le mal, car quelques