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les autres l’ornaient de marbre et y plaçaient des sièges et des tables d’airain. Dans les collèges riches, la schola, successivement embellie par tous les administrateurs qui se succédaient, devait être souvent somptueuse. Nous avons une courte description de celle du collège d’Esculape et d’Hygie, qui était pourtant composé de pauvres gens; elle contenait une petite chapelle avec une sorte de cour ombragée de treilles ou les collègues prenaient le frais, et une terrasse couverte et exposée au soleil qui servait pour les repas de corps. La chapelle était sans doute ornée avec un soin jaloux. Si l’on en juge par ce qui arrive dans les confréries d’aujourd’hui, les associés devaient en être fiers, et ils voulaient que celle de leur collège fût plus belle que toutes les autres. C’était la place naturelle de tous les objets d’art dont héritait l’association. La flatterie y multipliait les statues de l’empereur et de sa famille; on y trouvait non-seulement l’image de la divinité protectrice de la société, mais beaucoup d’autres dieux qui en apparence n’avaient aucun rapport avec elle. C’est ainsi que deux affranchis généreux lèguent aux greffiers des édiles sept statues de dieux en argent pour les placer dans leur schola, et qu’un fonctionnaire du collège des marchands de drap laisse à ses confrères des candélabres d’airain sur une base de marbre surmontés d’un Cupidon qui tient à la main des corbeilles. La chapelle était vraiment le lieu principal de la schola et le centre du collège; c’est là que les associés se réunissaient pour prendre les décisions importantes : nous en avons une des charpentiers et des marchands de drap de Rhegium qui se choisissent un protecteur, elle est datée « du temple de leur collège, in templo collegii fabrorum et centonariorum. »


II.

La description que nous venons de faire de la schola nous amène naturellement à parler du caractère religieux des associations romaines. On ne peut pas essayer de suivre les associés dans leurs lieux de réunion, d’assister à leurs assemblées et à leurs fêtes, sans être frappé de la place importante que la religion occupait chez eux. Il n’est pas surprenant qu’il en fût ainsi : les collèges s’étaient fondés, on s’en souvient, sur le modèle de la cité, et ce qui constituait la cité chez les peuples antiques, c’était l’adoration du même dieu. C’est aussi par un culte commun que les collèges affirmaient leur existence; ils avaient l’habitude de se choisir un patron dans le ciel, et le prenaient d’ordinaire parmi les divinités les plus puissantes. Les joueurs de flûte s’étaient adressés à Jupiter lui-même, et le sénat leur avait accordé le privilège de célébrer leurs banquets dans le Capitole. Minerve était fêtée par presque tous les corps de