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offrait un asile dans son palais ou dans ses terres. Cette générosité trouvait sa récompense dans les hommages que les associés ne marchandaient pas à leur bienfaiteur. A l’exemple de ce qui se faisait pour les empereurs, ils rendaient un culte aux dieux domestiques de celui qui voulait bien les recevoir chez lui, et s’ils n’osaient pas aller jusqu’à lui décerner l’apothéose, ils en approchaient. Nous en connaissons qui laissent entendre, par le nom qu’ils prennent, qu’ils ne se sont associés que pour honorer en commun les statues et les images du riche qui les protège (collegium cultorum statuarum et clipeorum L. Abulli Dextri.)

Voilà quelques-uns des motifs qui pouvaient donner naissance à des collèges; nous ne pouvons pas avoir la prétention de les énumérer tous, et il en est beaucoup qui nous échappent. Plus d’une fois sans doute ils devaient leur origine au hasard; c’était une rencontre fortuite qui rapprochait des gens animés des mêmes désirs, souffrant des mêmes peines, et qui leur donnait la pensée de se réunir. Il n’était pas nécessaire, pour s’associer, d’exercer la même profession, d’être voisin ou compatriote; il suffisait de se trouver isolé, d’éprouver le besoin de mettre ses forces en commun pour combattre ensemble la misère ou l’ennui. Ce besoin n’était pas rare alors, surtout dans les classes laborieuses. Les sociétés aristocratiques de l’antiquité ne s’étaient guère préoccupées de leur sort. La situation des ouvriers y était fort mauvaise ; leur origine ne les recommandait pas à la protection de la loi et à la sympathie des gens riches. Ils étaient ordinairement de race servile, l’affranchissement les avait un jour jetés au milieu des hommes libres, sans fortune, souvent sans famille, portant au front le stigmate de l’esclavage; leur vie était d’ordinaire très misérable, leur solitude devait souvent leur peser, surtout dans ces grandes villes que Chateaubriand appelle des déserts d’hommes, où l’on est si profondément étranger l’un à l’autre, quoiqu’on vive côte à côte, et où les bruits du dehors rendent l’isolement si amer. S’il se trouvait parmi eux quelque homme entreprenant et qui fût connu dans ce monde inférieur, la pensée lui venait vite de faire cesser cette solitude. Les exemples qu’il avait sous les yeux lui en fournissaient facilement le moyen; tout était plein, jusque dans les plus petites villes, d’associations de tout genre. Il groupait donc autour de lui ses compagnons d’infortune, ou quelquefois il allait trouver un riche qu’il savait généreux, et, soit par la seule initiative des membres, soit par les libéralités d’un protecteur, un collège se fondait.

Le premier soin des nouveaux associés devait être de se faire un règlement; ce n’était pas un travail bien difficile : on se contentait de copier les lois qui régissaient les municipes. Le collège est aussi