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moment donné de son histoire primitive. Un pareil état devenu permanent par la suppression de l’état parfait affaiblirait sensiblement la distance qui sépare maintenant les insectes des annélides. Dès lors l’état de larve représenterait vis-à-vis des premiers ce que l’état cartilagineux a dû être jadis pour l’ensemble des vertébrés, ce que les états ganoïde et ganocéphale ont été respectivement aux poissons téléostéens et aux reptiles, ou l’état marsupial aux mammifères eux-mêmes, ce qu’enfin l’état de têtard est encore pour les batraciens. Ce serait un degré inférieur, un mode d’existence transitoire destiné à être franchi, soit par les races, soit par les individus, avant d’atteindre à un développement plus élevé et plus complexe. On pourrait donc considérer les insectes comme des articulés inférieurs qui se seraient transformés peu à peu en sortant de l’eau, et auraient acquis de nouveaux organes par la réduction, la spécialisation et le perfectionnement de ceux qu’ils possédaient originairement. Les métamorphoses ne seraient qu’une reproduction plus ou moins fidèle des diverses phases qu’ils auraient dû traverser avant de revêtir la forme définitive devenue propre à chacun d’eux ; en un mot, l’existence de l’individu résumerait l’histoire de la race.

Ce que nous avons dit du séjour prolongé des eaux à la surface des premiers continens, longtemps plats ou faiblement ondulés, concorde très bien avec le mode présumé de développement des insectes. Les articulés à branchies permanentes ou crustacés, plongés dans un milieu demeuré toujours semblable à lui-même, ont suivi la même marche que les poissons auxquels ils se trouvaient associés. Cette marche a consisté dans une adaptation de plus en plus exclusive des types aux conditions d’existence de l’habitat aquatique et marin. Par suite de cette tendance, leurs parties se sont graduellement différenciées, les organes ainsi que les fonctions se sont localisés en se centralisant, et l’ensemble s’est écarté de plus en plus de la monotonie du type primitif, qui se rapprochait de celui des articulés inférieurs par la similitude des anneaux, pourvus également des mêmes ganglions et des mêmes appendices. Les insectes, d’abord simples vers articulés, habitant les eaux superficielles et le limon humide, devenus plus tard terrestres et trachéens à mesure que l’atmosphère et le sol se dépouillaient de leur humidité excessive, ont exécuté un mouvement analogue à celui des crustacés, mais en l’appropriant à des circonstances nouvelles résultant de la présence d’un milieu qui se transformait peu à peu. Comme on pouvait le présumer, les insectes à métamorphoses incomplètes, chez qui l’état parfait ne constitue qu’un dernier terme de croissance, se montrent avant les autres, ou du moins sont à l’origine les plus nombreux. Un changement rapide et complet de