Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/608

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Placés dans des circonstances analogues, mais entourés d’une végétation très différente, les animaux triasiques étalaient pour la plupart des formes entièrement étrangères à notre monde d’aujourd’hui. C’étaient en premier lieu des bipèdes, sans doute plus éloignés encore du type des oiseaux actuels que l’espèce de Solenhofen, mais qui ne sont connus que par l’empreinte de leurs pas, dont l’enjambée accuse parfois des dimensions quadruples de celles de l’autruche. Le nombre et la disposition des doigts révèlent pour d’autres de telles singularités qu’en l’absence du squelette on ne sait comment les définir. Parmi les reptiles, les uns rappellent les tortues, les autres les lézards ou les crocodiles, ou bien encore, comme les dicynodons, dont les mâchoires étaient armées de défenses recourbées dans le genre de celles des morses, ils présentent les caractères mélangés de ces divers groupes. La plus grande espèce de labyrinthodonte est connue à la fois par ses ossemens et par l’empreinte de ses pattes, assez semblables à une main d’homme dont les doigts courts et le pouce écarté seraient terminés par des griffes. Auprès de Lodève, les vestiges de pas sont accompagnés de ceux d’une queue traînante, susceptible d’imprimer un sillon sur le sol en le balayant. Cet animal, moitié salamandre, moitié crocodile, avait le corps recouvert d’une carapace de fines écailles cornées. La taille des plus grands labyrinthodontes atteignait plusieurs mètres de long ; leurs membres étaient courts, mais robustes, et la disproportion relative entre le train de derrière et celui de devant marque les allures d’un reptile sauteur, avec des façons plus lourdes que celles des modernes batraciens. On peut se faire une idée de ces animaux, les plus anciens de ceux dont l’organisation fut adaptée à une existence tout à fait terrestre : peu actifs, voraces, croqueurs de petites proies, rôdant sur le sable humide, protégés par une armure impénétrable, rois de la création à une époque où il suffisait d’être solidement charpenté pour obtenir le sceptre, ils n’avaient à redouter d’ennemi d’aucun genre, puisqu’il ne s’agissait encore ni d’intelligence, ni de rapidité, ni d’énergie, et que l’instinct lui-même se réduisait à l’accomplissement des actes indispensables à l’entretien et à la propagation de l’espèce. La vie de pareils êtres s’écoulait dans sa monotonie à suivre les eaux dans leurs alternatives d’envahissement et de retrait ; ils respiraient et se mouvaient à l’air libre, mais sans s’écarter beaucoup du voisinage de l’élément qui avait été leur premier berceau.

Le type des labyrinthodontes était ancien lors du trias, qui en marque l’apogée ; on le rencontre, déjà reconnaissable, dans le terrain carbonifère. Toutefois à cette époque reculée on trouve à côté de lui un autre type à la fois plus imparfait, plus ambigu et plus voisin du point de départ : c’est celui des ganocéphales. Ce type