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sure que l’on remonte des batraciens aux sauriens, puis aux crocodiliens, pour arriver aux vertébrés à sang chaud. Chez ceux-ci se trouve décidément constitué un foyer intense de réaction calorique et par conséquent d’énergie et de force. On voit que la vie arrivée à ce point achève de se compliquer rapidement. Évidemment, si elle a pu atteindre son maximum de puissance, c’est en adaptant d’une part les plantes au sol émergé, et de l’autre les vertébrés à une existence purement terrestre. Par ces deux adaptations, les plus exclusives qui aient jamais eu lieu sur la terre, les deux règnes se sont trouvés rejetés dans deux directions entièrement opposées. — Plus de zoospores ni d’anthérozoïdes chez les plantes phanérogames ou à fleurs apparentes ; plus de phases successives, ni d’états variés, mais seulement des germes se détachant de la plante-mère, déjà pareils à elle et susceptibles de prendre immédiatement racine. Chaque partie de la plante a désormais son rôle et ses fonctions déterminés. Les combinaisons de formes, de couleurs, d’organes, sont variées à l’infini, mais elles concourent à l’harmonie de l’ensemble, et montrent dans le règne végétal la réalisation des effets d’une force vivante qui, tout inconsciente et insensible qu’elle soit, a toujours marché, comme sous une impulsion irrésistible, avec une intarissable fécondité.

Si tout est privé de mouvement et de spontanéité dans le règne végétal devenu parfait, ce sont des facultés inverses qui se prononcent de plus en plus chez les animaux supérieurs, surtout à partir du moment où ils entrent en possession de la vie terrestre. Ils n’ont plus à craindre d’être fixés au sol ; les états successifs disparaissent ou perdent en importance. La liberté la plus absolue des mouvemens et des actes, la recherche d’un régime, le choix d’une demeure, la faculté toujours plus explicite de vouloir, d’aimer, de haïr et de craindre, tels seront les caractères inhérens à l’animalité terrestre chez les vertébrés : carrière immense dont l’homme résumera plus tard tous les traits, en y ajoutant l’usage de la raison, la recherche de l’idéal et le frein de la moralité.

L’immensité d’une pareille perspective n’interdit pas de s’attacher à la modification organique qui en marque l’origine ; nous voulons parler de la respiration pulmonaire, sans laquelle on ne saurait concevoir l’existence d’aucun vertébré terrestre. L’apparition d’un nouvel organe ne constitue généralement pas un fait isolé ; presque toujours il résulte, si l’on se renferme dans les limites d’un même embranchement, de la modification d’un autre organe préexistant, qui nous le montre à l’état d’ébauche ou de rudiment, ou bien encore adapté à un autre emploi. Aussi s’est-on demandé si les poissons ne présentaient pas quelque partie analogue aux poumons des vertébrés supérieurs, et qui en fût comme