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mois et des saisons les occasions favorables : ils demeurent inertes tant que l’humidité ne les tire pas de leur torpeur ; on a même pu voir quelquefois avec étonnement les animaux de certaines collections de coquilles, étiquetés et classés depuis des années, sortir de leur repos sous l’influence d’un bain, et reprendre inopinément le mouvement et la vie. — Les animaux et les plantes dont il vient d’être question n’ont pu s’établir à l’air qu’à l’aide de moyens détournés, de ce qu’on pourrait nommer des subterfuges, c’est-à-dire en recherchant l’eau en dehors des lieux où cet élément se rassemble en masse. Pour former des êtres définitivement aériens et terrestres, la vie a conçu des plans plus complexes et d’une exécution plus longue. Elle y est arrivée principalement par la respiration pulmonaire chez les animaux vertébrés, et chez les plantes par le jeu combiné d’un ensemble d’organes qui sont inconnus ou rudimentaires dans les végétaux inférieurs, tels que l’appareil radiculaire chargé de pomper les matériaux de la séve, le système vasculaire, les feuilles remplissant le rôle de branchies aériennes, enfin la réduction des phases proembryonnaires, désormais restreintes au développement de l’ovule contenu au sein d’un organe clos. Le progrès de l’organisme devenu terrestre est dû surtout à l’existence du réservoir intérieur qui lui permet d’accomplir les fonctions les plus complexes à l’aide des liquides qu’il s’approprie. Chaque corps individuel possède ainsi un milieu qui le baigne au dedans, et où les élémens histologiques puisent la croissance et la réparation. Cette source féconde se trouve mesurée et distribuée avec un art et une économie admirables, à la condition seulement qu’un apport journalier ne cesse de l’alimenter. La soif n’est qu’un instinct qui nous avertit de la diminution de l’eau dans la masse liquide du sang et nous pousse à réparer cette perte.

Chez les plantes aussi bien que chez les animaux, la vie s’est perfectionnée par une division plus savante du travail organique. Les appareils qui correspondent aux principales fonctions se sont spécialisés en se compliquant et se localisant de plus en plus. L’être inférieur aquatique et le poisson lui-même puisent à la fois dans le liquide ambiant le gaz qu’ils respirent et l’aliment qui les nourrit ; le même acte entraîne le plus ordinairement l’un et l’autre résultat. Cependant le poisson, qui possède au moins d’une façon rudimentaire la structure des vertébrés, demeure inférieur aux autres classes de son embranchement par sa respiration branchiale. Chez lui, rien ne semble annoncer les poumons, qui se développent chez les batraciens après un premier état, et fonctionnent exclusivement chez les reptiles, les oiseaux et les mammifères. L’appareil respiratoire et celui de la circulation, qui est dans une étroite dépendance du premier, se perfectionnent de classe en classe, à me-